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Abstention de la France à l’Unesco : les médias font le service minimum

L’adoption par l’Unesco d’une résolution anti-juive a été rapportée par la presse française, mais les titres ont soigneusement évité de parler du vote du gouvernement français qui, par son abstention, a contribué à laisser la voie libre aux falsificateurs de l’histoire.

Pour prévenir toute protestation des lecteurs(-électeurs) contre cette position scandaleuse, qui constitue aussi un outrage à l’histoire de la civilisation chrétienne européenne sur laquelle s’est bâtie la France ?

La majorité des médias français ne couvre pas le vote initial de l’Unesco

Le 13 octobre, le Conseil exécutif de l’Unesco a adopté un projet de décision intitulé « Palestine occupée » . Ce projet, qui nomme exclusivement « mosquée Al-Aqsa/Al-Haram Al-Sharif » le lieu le plus saint du judaïsme, le Mont du Temple, sans même mentionner son appellation juive, réécrit l’histoire. Honteusement, le gouvernement français qui après avoir soutenu une décision négationniste similaire de l’Unesco en avril, avait promis, selon les mots du Président François Hollande, que « jamais (la France) ne remettrait en cause la présence et l’histoire juives à Jérusalem », s’abstient lors du vote.

Or « qui ne dit mot consent ». Le texte a été soutenu par 24 pays, alors que 6 s’y sont opposés. Les 24 autres pays, dont la France, qui ont choisi de s’abstenir, ont permis aux falsificateurs de remporter le vote.

Après le vote, l’AFP publie une dépêche :

 

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S’appuyant sur « une source diplomatique palestinienne », le texte de la dépêche laisse entendre que des modifications suffisantes ont été apportées au nouveau document par rapport à la version votée en avril, alors qu’il n’en est rien : les noms des lieux saints juifs sont islamisés et l’ensemble reste un réquisitoire unilatéral contre Israël. L’agence aborde ensuite le vote du gouvernement en citant, sans autre commentaire, « une source diplomatique française » qui récite mot à mot la position officielle du Quai d’Orsay :

 

La France, qui avait été vivement critiquée par Israël et sa communauté juive pour avoir soutenu la résolution d’avril, s’est cette fois abstenue.

En mai, alors que les tensions étaient à leur maximum, le président François Hollande avait jugé « fâcheux » le vote français et promis de veiller « personnellement » à sa reformulation en octobre.

« Certaines formules ayant suscité des polémiques ont pu être retirées du texte », a noté jeudi une source diplomatique française. « Néanmoins, le maintien d’un certain nombre de termes déséquilibrés » a conduit la France à s’abstenir.

 

En somme, la diplomatie française joue sur les mots en arguant d’une amélioration du texte inexistante en réalité pour justifier une révision insuffisante de son vote, passé d’un soutien en avril à une abstention en octobre. Insuffisante, car dans les faits une abstention équivaut à un soutien.

Très rapidement, l’agence sort une seconde dépêche mettant en avant la réaction de Benjamin Netanyahu. Lui n’a pas voté et ne réagit qu’en réponse au vote de pays dont la France, mais l’Agence France-Presse en fait le principal agent du du titre :

 

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Netanyahu devient l’auteur d’une action qui implique une connotation négative, sans que le titre ne permette de comprendre pourquoi.

Le vote de la France, lui, a été complètement éludé : l’information ne figure plus nulle part dans le nouvel article !

On peut au moins dire qu’avec ces deux dépêches, l’AFP a fait l’essentiel en donnant une information sur l’événement. Mais pour qu’une information d’agence atteigne le public, encore faut-il que des médias la diffusent. Or, à part Ouest-France, seuls quelques médias étrangers, tels le quotidien libanais L’Orient-Le Jour et des médias belges (RTBF, metro) à qui l’agence Belga a fourni une version raccourcie de la deuxième dépêche de l’AFP, ont d’après nos recherches publié l’information le soir même.

Les médias français, eux, ont pour la plupart choisi de ne pas publier ces dépêches sur leurs sites dans la soirée ! Pourquoi ce déficit de couverture d’une décision impliquant le gouvernement ?

La presse met en avant la réaction israélienne

Le lendemain, 14 octobre, Israël réplique officiellement. Et là, la plupart des journaux français font circuler des variantes de la dépêche de l’AFP annonçant une mesure prise par Israël contre l’Unesco.

 

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Un titre largement repris : L’Express, La Croix, Le Point Le Figaro, France 24, Le Monde,…

Mais le public n’a dans sa majorité pas été informé du vote de la veille ! Il découvre donc l’affaire via l’annonce d’une mesure hostile d’Israël contre une institution internationale. Cela risque de générer une « présomption de culpabilité » envers Israël auprès du public, sachant qu’une partie seulement des lecteurs parcourt en entier les articles, dans lesquels sont expliquées les raisons de l’action du gouvernement israélien.

A la manière de ce que l’on observe lorsque les médias titrent sur les ripostes israéliennes à Gaza sans mentionner les roquettes tirées auparavant depuis ce territoire sur les civils israéliens, l’AFP donne à penser par son titre qu’Israël « agresse » l’Unesco.

Et à nouveau, dans cet article qui sera celui par lequel la plupart des Français auront vent de l’affaire, silence total sur le vote de la France, auquel le texte ne fait pas la moindre référence – une grave lacune quant à l’information des Français sur les actions du gouvernement qui les représente !

La résolution adoptée classée comme simple « controverse »

Le 18 octobre, la résolution définitive est approuvée. Les principaux médias de France – Le Point, Le Figaro, Le Monde, 20 minutes, ou encore France 24 – reprennent la formule de l’AFP qui annonce l’adoption d’une résolution « controversée ».

 

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Un terme bien léger pour parler de la destruction symbolique du patrimoine d’un peuple (et même de plusieurs, si l’on considère que les peuples chrétiens puisent leurs racines spirituelles à Jérusalem). Une telle opération rappelle, certes sans violence physique immédiate, les destructions des bouddhas de Bamiyan, celles des ruines de Palmyre ou encore celles des synagogues allemandes lors de la Nuit de cristal : des actions qui ont toutes eu pour but d’effacer les traces du passé pour réécrire l’histoire.

Dire que la résolution de l’Unesco était « controversée » revient à adopter l’apparente « neutralité » du gouvernement français qui, par son abstention, a en fait laissé la voie libre aux destructeurs du passé.

L’abstention française réapparaît justement dans le texte – mais seulement pour y être furtivement justifiée (toujours selon les termes officiels du Quai d’Orsay) tout en bas de la dépêche, là où peu de gens iront la lire : est-ce vraiment suffisant pour informer le grand public français du scandaleux vote négationniste de son gouvernement ?

En conclusion : les médias n’ont pas donné au vote du gouvernement l’écho qu’il aurait dû avoir

Les médias ont parlé de ce vote ainsi que de la désapprobation israélienne. C’est déjà l’essentiel.

Mais l’analyse d’InfoEquitable montre qu’ils l’ont généralement traité comme une affaire « étrangère », un événement ne concernant pas directement les lecteurs français mais seulement les Palestiniens et les Israéliens offusqués (alors que les fondements du judaïsme sont touchés, pas seulement ceux de l’Etat d’Israël; cela concerne donc personnellement les Français de confession juive et a aussi d’importantes implications pour les citoyens de tous les pays de culture chrétienne, dont la France).

Or la position du gouvernement français n’a pas été suffisamment communiquée, et encore moins analysée. Après tout, un journal soucieux d’informer son lectorat français du fonctionnement des instances démocratiques élues aurait pu titrer « La France s’abstient à l’Unesco sur une résolution concernant Jérusalem »… Mais la France était absente des titres. Lorsque le vote du gouvernement a été évoqué, ce n’était que pour le justifier, et bien caché tout en bas du texte. Aucune critique n’a été adressée au gouvernement, hormis dans des tribunes personnelles et dans la presse communautaire juive que la majorité des Français ne suit pas.

Résultat : à part une manifestation prévue jeudi 27 octobre devant le Quai d’Orsay principalement à l’appel d’organisations juives, il n’y a pas eu de véritable réaction dans la société française. S’il est vrai que les Français ont bien d’autres préoccupations, la quasi-occultation de l’action du gouvernement par les médias ne les aura certainement pas incités à dûment réagir.

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Auteur : © InfoEquitable

Images : CC BY-NC-ND 2.o slack12 Flickr

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