Contrairement à ce qu’affirment les juges d’instruction, de très lourdes charges subsistent dans le dossier à l‘encontre du principal suspect qui a été remis en liberté. InfoEquitable vous les révèle.
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Trente-sept ans après les faits, et après des années d’une patiente instruction, deux juges parisiens ont prononcé un non-lieu et remis en liberté, le 12 janvier 2018, Hassan Diab, le principal suspect dans l’enquête sur l’attentat de la rue Copernic.
Même si le parquet a fait appel de cette décision, Hassan Diab a pu quitter la France et regagner le Canada, éloignant du même coup l’échéance d’un procès où il serait contraint de comparaître.
Libanais naturalisé canadien, professeur de sociologie à l’université d’Ottawa, Hassan Diab avait été extradé du Canada en 2014 et se trouvait depuis incarcéré en France en raison des très lourdes charges pesant à son encontre dans le dossier.
Pour justifier leur non-lieu, les deux juges d’instructions Jean-Marc Herbaut et Richard Foltzer soulignent dans leur ordonnance que les charges « se heurtent à trop d’éléments à décharge » et affirment notamment  qu’un certain nombre de témoignages « permettent d’estimer qu’Hassan Diab se trouvait vraisemblablement au Liban », le jour de l’attentat.
Cette analyse, vivement contestée par le parquet, vient mettre en pièce l’enquête minutieuse du juge précédent, Jean-Marc Trévidic, qui avait conduit à l’identification et à l’extradition de l’universitaire libano-canadien.
InfoEquitable a pu avoir accès aux éléments du dossier mettant en cause Hassan Diab et a décidé de les exposer publiquement.
Les premiers éléments de l’enquête révélés dès 1980
Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic, à Paris. Quatre personnes sont tuées et quarante-six blessées. La bombe se trouvait dans les sacoches d’une moto garée sur le trottoir à proximité de la synagogue.
Dans les semaines qui ont suivi l’attentat, les enquêteurs sont parvenus à identifier la moto, une Suzuki achetée quelques jours auparavant, le 23 septembre 1980, dans un magasin de l’avenue de la Grande Armée par un individu ayant présenté un passeport chypriote au nom d’Alexander Panadriyu.
L’enquête a établi qu’il s’agissait d’une fausse identité et d’un faux passeport. Les autorités chypriotes ont confirmé que cette identité ne correspondait à aucun ressortissant identifié.
Le suspect a laissé quelques indices sur le territoire français
L’homme porteur du faux passeport au nom d’Alexander Panadriyu a loué une chambre à l’hôtel Celtic, 6 rue Balzac, la nuit du 22 au 23 septembre. Il a rempli une fiche manuscrite qui sera saisie par les enquêteurs et expertisée au cours de l’enquête (voir plus bas).
Par ailleurs, l’individu porteur du faux passeport chypriote au nom d’Alexander Panadriyu avait été interpellé le 27 septembre dans un supermarché du quartier Montparnasse pour une tentative de vol d’une pince coupante (qui a probablement servi à la confection de la bombe).
En raison de la modicité du larcin, il avait été relâché après son interpellation. Mais un vigile du magasin – qui témoignera plus tard dans la procédure – l’a parfaitement identifié.
Grâce aux témoignages des personnes l’ayant aperçu, un portrait-robot du suspect a été réalisé dès le début de l’enquête.
Selon l’enquête, Alexander Panadriyu a quitté la France quelques jours après l’attentat. Très vite, cette enquête s’est orientée vers une piste palestinienne. En raison de la situation internationale et des limites techniques en matière de police scientifique, aucune avancée majeure n’est intervenue pendant plusieurs années.
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La relance de l’enquête en 1999
Le 19 avril 1999, la DST adresse au juge d’instruction chargé de l’enquête une note intitulée : « Transmission d’informations récemment recueillies sur l’attentat perpétré le 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic à Paris 16ème ».
Se basant sur des informations transmises par le BKA – les services secrets allemands –, la note indique que l’homme qui a confectionné et déposé la bombe s’appellerait Hassan Diab.
Il serait membre du Front populaire de libération de la Palestine – Opérations spéciales (FPLP-OS), un groupe terroriste palestinien issu d’une scission avec le FPLP.
Toujours selon cette note, Hassan Diab serait arrivé en Europe quelques jours auparavant par un vol Beyrouth-Madrid. Il aurait changé son passeport et pris la fausse identité d’Alexander Panadriyu avant de gagner Paris par le train.
La DST indique ensuite que Hassan Diab aurait quitté le Liban en 1988 pour s’installer aux Etats-Unis puis au Canada où il aurait été naturalisé en 1995.
A l’époque déjà , la DST le suspecte d’avoir commis également un attentat à Anvers le 20 octobre 1981.
Le passeport de Hassan Diab saisi par la police italienne (et les liens avec l’attentat d’Anvers)
Cet épisode et les documents retrouvés qui en découlent constituent l’une des pièces centrales à charge contre Hassan Diab. Il nécessite d’être expliqué avec précision.
Le 8 octobre 1981, un an après l’attentat de la rue Copernic, un ressortissant algérien détenant un passeport au nom d’Ahmed Ben Mohamed est interpellé à son arrivée à l’aéroport de Rome en provenance de Beyrouth.
Son passeport algérien est faux. Dans ses bagages, les policiers saisissent plusieurs autres faux passeports de différentes nationalités ainsi qu’un passeport libanais – authentique, celui-là – au nom de Hassan Diab.
Ahmed Ben Mohamed refuse de donner la moindre explication sur ce trafic de documents. Après quelques jours de garde-à -vue, il sera relâché et disparaîtra dans la nature. A l’époque, certains pays européens ferment les yeux sur les allées et venues des terroristes moyen-orientaux, estimant que cette tolérance est la meilleure garantie pour éviter que des attentats ne soient commis sur leur sol.
L’enquête italienne établira ultérieurement la véritable identité de Ahmed ben Mohamed : il s’agit Rachid Abd Abou Salem, un ressortissant libanais, membre dirigeant de l’organisation terroriste FPLP-OS.
Le passeport de Hassan Diab témoigne de ses déplacements en Europe dans les années 80
En novembre 2000, les enquêteurs français – apprenant l’existence de cet ancien passeport libanais de Hassan Diab – en demandent communication à la police italienne qui l’a conservé dans ses archives.
L’examen attentif des tampons et des visas de ce passeport va s’avérer riche en renseignements.
Hassan Diab – qui dans les années 80 est étudiant en psychologie à l’université de Beyrouth – voyage beaucoup.
Il s’est rendu notamment en Espagne par un vol Beyrouth-Madrid, le 20 septembre 1980. Il a quitté l’Espagne pour regagner le Liban le 7 octobre 1980.
Contrairement à ce qu’il affirme encore aujourd’hui, Hassan Diab semble se trouver en Europe le jour de l’attentat de la rue Copernic. Son déplacement en Espagne, sur lequel il ne s’est jamais expliqué, correspond de surcroît aux informations recueillies par la DST dès 1999, indiquant que le commando ayant perpétré l’attentat de la rue Copernic était arrivé en France via Madrid.
« L’utilisation de vrais documents pour entrer ou sortir d’un pays frontalier ou proche de celui où l’attentat sera perpétré, avec ensuite remise de faux documents pour circuler dans le pays où l’opération sera réalisée, était la méthode habituelle des organisations terroristes du Moyen-Orient », souligne la DST dans sa note.
La piste de l’attentat d’Anvers
La saisie du passeport de Hassan Diab, le 8 octobre 1981, par la police italienne à l’aéroport de Rome paraît aussi s’inscrire dans ce stratagème.
Un tampon de sortie du Liban, daté du même jour, semble indiquer que le titulaire régulier du passeport l’a utilisé au départ de l’aéroport de Beyrouth. Mais à l’arrivée à Rome, le passeport se trouve dans les bagages d’un individu qui s’avèrera être un haut responsable du FPLP-OS.
Dans le même temps, le passager Hassan Diab demeure introuvable et semble s’être volatilisé entre Beyrouth et Rome.
Quelques jours plus tard, le 20 octobre 1981, l’explosion d’une camionnette piégée devant une synagogue d’Anvers, en Belgique, fait 3 morts et une centaine de blessés.
Depuis que les enquêteurs français ont retrouvé et exploité l’ancien passeport de Hassan Diab, ce dernier n’a donné que des explications incohérentes sur les différents voyages qui y sont mentionnés et sur le fait que le document se trouvait aux mains d’un responsable du FPLP-OS.
L’appartenance de Hassan Diab au FPLP dans les années 80
Les enquêteurs français ont cherché à recueillir les témoignages des personnes ayant fréquenté Hassan Diab au Liban dans les années 80.
Interrogée dès mars 1988, dans le cadre d’une autre procédure française sur la nébuleuse des organisations terroristes libanaises, Sana Salhab, une ancienne étudiante de l’université américaine de Beyrouth, confie avoir rencontré en novembre 1979 Hassan Diab qu’elle désigne comme « ancien membre du FPLP », dont elle était elle-même sympathisante.
Un autre ex-étudiant, Youcef El Khalil, interrogé en octobre 2008, confirme que Hassan Diab « appartenait au FPLP » et se considérait notamment plus proche des dissidents du FPLP-OS. Youcef El Khalil précise que Hassan Diab était aussi membre du PTSA, « vitrine politique du FPLP sur la scène libanaise ».
Les expertises d’écriture
Lorsque Hassan Diab a été identifié et retrouvé au Canada au milieu des années 2000, des expertises d’écritures ont été ordonnées par la justice. Deux experts ont comparé l’écriture figurant sur la fiche de l’hôtel parisien rédigée par le mystérieux Alexander Panadriyu en septembre 1980, et des documents administratifs remplis par Hassan Diab lors de son émigration aux Etats-Unis en 1987.
Le premier expert estime que les mentions figurant sur la fiche d’hôtel « sont parfaitement compatibles avec les écrits de Monsieur Hassan Diab et ce dernier peut donc tout à fait les avoir rédigées ». Prudent, l’expert estime qu’il s’agit là d’une « hypothèse probable » même si « on ne peut l’affirmer » avec certitude.
Le deuxième expert considère en revanche avoir « trouvé de nombreuses concordances qui permettent de dire que Monsieur Hassan Diab est l’auteur du document (la fiche d’hôtel) ».
L’identification par Philippe Gruselle
Philippe Gruselle est l’ancien vigile du magasin Inno Montparnasse qui avait interpellé Alexander Panadriyu, le 27 septembre 1980, pour le vol d’une pince coupante.
Interrogé au tout début de l’enquête en en 1980, Philippe Gruselle a été réinterrogé le 10 mars 2010, par la brigade criminelle, après l’identification de Hassan Diab.
Il est l’une des rares personnes à avoir vu le poseur de la bombe quelques jours avant l’attentat.
Lors de sa déposition de mars 2010, Philippe Gruselle, qui était alors âgé de 67 ans, a confirmé « avoir gardé un bon souvenir de cette interpellation », car il avait dû maîtriser l’individu avec lequel il s’était battu, « il avait été légèrement blessé en service », il était resté de longues minutes avec le voleur dans un local en attendant l’arrivée de la police et avait accompagné Alexander Panadriyu dans le car de Police secours jusqu’au commissariat.
Les enquêteurs ont alors présenté au retraité un album photographique composé de 33 portraits de 18 hommes différents. Parmi ces documents se trouvaient plusieurs photographies d’Hassan Diab dans les années 80.
Philippe Gruselle a désigné sept photos « présentant des similitudes avec le voleur de la pince coupante ».
Les enquêteurs ont relevé qu’il s’agissait à chaque fois de photographies de Hassan Diab.
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L’attitude dissimulatrice la famille de Hassan Diab
En 2009, les enquêteurs français découvrent qu’une partie de la famille de Hassan Diab est établie en France. En décembre 2009, ils adressent des convocations à plusieurs membres de cette famille, aux fins de recueillir leur témoignage, tout en les plaçant sous écoute téléphonique.
Le 29 décembre 2009, une conversation est ainsi interceptée entre l’ex belle-sœur de Hassan Diab et sa fille qui s’inquiètent des raisons de leur convocation et de l’attitude qu’ils entendent adopter.
Au début de la conversation, l’un des interlocuteurs confirme que sa convocation est « en rapport avec les événements des années 80 » et Hassan Diab. L’autre poursuit :
– « Ben ils vont te demander s’il était là , ce qu’il faisait etc quoi… »
– « Oui, ben oui, mais de toute façon… bon, j’ai vu, nous, on était en Guadeloupe à ce moment-là . »
– « Ouais, ben de toute façon, je pense qu’il faut que tu dises que vous n’étiez pas là , un point c’est tout… Ce qu’il faisait, et même s’il était là … un point c’est tout. »
– « Ah ben oui, mais on n’était pas là . »
– « Il faut rien dire qui l’implique. »
–  « Ben nous, de toute façons, on était en Guadeloupe… »
– « Il faut même pas que tu dises que… il ne faut même pas que tu dises que… que supposer qu’il était là ou là . Il faut rien dire. »
–  « Oh ben non, moi je sais pas. On sait pas du tout ce qu’il en était parce que on savait pas nous. On sait pas du tout… »
Lors de cette écoute téléphonique du 29 décembre, les enquêteurs apprennent que la sœur de Hassan Diab – Sanaa Mortada – qui vit à Beyrouth est en escale de plusieurs jours à Paris avant de reprendre un vol pour le Canada et qu’une rencontre discrète est prévue le lendemain avec la belle-sœur française de Hassan Diab.
Une surveillance discrète permet aux enquêteurs de constater que cette rencontre entre les deux belles-sœurs a lieu dans le hall d’un immeuble du 15e arrondissement de Paris le 30 décembre 2009.
Interrogée à ce sujet le 12 janvier 2010, l’ex-belle-sœur de Hassan Diab déclare dans un premiers temps ne pas avoir de nouvelles de Sanaa Mortada depuis des années et assure ne pas l’avoir rencontrée récemment.
Confrontée aux informations recueillies par les enquêteurs, elle finit par reconnaître sa rencontre du 30 décembre avec la sÅ“ur de Hassan Diab. Elle en minimise cependant l’importance en prétendant que cette rencontre a été « totalement anodine ».
« Rien dans les explications de P. C… ne permet de comprendre pour quelle raison Sanaa Diab-Mortada a voulu la rencontrer, ni pour quelle raison P. C… a tout d’abord fait le choix de mentir sous serment au sujet de cette rencontre », ont noté les enquêteurs. Â
Conclusion
Tous ces éléments provenant du dossier indiquent clairement que – contrairement à ce qu’affirment les deux juges d’instruction qui ont remis Hassan Diab en liberté – les charges à son encontre sont nombreuses, précises et concordantes.
Pour justifier leur ordonnance de non-lieu, les magistrats se sont notamment appuyés sur le témoignage – pourtant très tardif – de l’ex-épouse de Hassan Diab, Nawal Copty, affirmant se souvenir que Hassan Diab était à ses côtés à Beyrouth le jour de l’attentat.
On ne peut que s’interroger sur les raisons qui ont poussé les deux juges à accorder autant de crédit à un tel témoignage pourtant sujet à caution.
Il faut souligner à cet égard que, selon des témoignages rapportés dans dossier des enquêteurs, Nawal Copty est elle-même une ancienne militante du FPLP.
Depuis qu’ils ont pris la succession du juge Jean-Marc Trévidic, les nouveaux magistrats en charge du dossier ont multiplié les démarches pour faire libérer Hassan Diab. A chaque fois, le parquet s’est opposé à cette libération.
Le 10 novembre 2017, lors d’une ultime audience devant la chambre de l’instruction, l’avocat général s’est publiquement déclaré « effaré » de l’attitude des juges d’instructions et de leur propension à « coller aux thèses de la défense ».
Quelques jours plus tard, le 13 décembre, le parquet a requis le renvoi aux assises de Hassan Diab.
En rendant une ordonnance de non-lieu et en remettant Hassan Diab en liberté, les deux juges en ont décidé autrement. Le parquet a fait appel de cette décision. Mais en attendant, Hassan Diab a pu repartir au Canada, renvoyant du même coup aux calendes grecques la tenue d’un éventuel procès en présence du principal accusé.
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Image : capture d’écran YouTube Canada21TV
Amouyal / 24 janvier 2018
Si vous voulez nous convaincre que la justice est aux ordres du pouvoir et que celui ci accorde plus d’importance à ses relations arabes qu’à la vérité et la justice, voila qui est fait, mais ce n’est malheureusement pas vraiment une surprise.
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