C’est une colonie de vacances d’un genre particulier à laquelle ont participé des journalistes occidentaux et arabes : une « parade médiatique du Hezbollah dans le sud du Liban », selon Le Monde.
Des responsables du Hezbollah ont emmené les reporters sur le terrain, où ils leur ont montré des fortifications israéliennes de l’autre côté de la frontière, soutenant qu’Israël aurait peur de leur puissance. Propagande évidente qui n’est pas forcément le reflet de la réalité, et pourtant…
La correspondante de l’Agence France-Presse, a été tellement ravie de l’accueil qu’elle remercié ses hôtes par une dépêche brocardant dûment Israël dans le titre :
Or voici les seuls propos israéliens relatés dans l’article :
Le chef d’état-major israélien Gadi Eisenkot a averti récemment que « la prochaine guerre aura plusieurs cibles: l’État libanais et les groupes terroristes opérant sur son territoire et sous son autorité ».
Nous y reviendrons, si l’État libanais a été associé à la mise en garde, c’est que ce dernier faillit à remplir une responsabilité qui lui a été confiée par l’ONU : faire respecter sa souveraineté au Sud-Liban en désarmant toute autre milice. Mais surtout, selon le Times of Israel, Gadi Eisenkot a précédé sa pensée de la réflexion suivante :
Au Liban, le Hezbollah continue à s’armer et à renforcer [ses capacités militaires], a-t-il déclaré. Nous continuerons à agir avec détermination pour empêcher ces tentatives d’armement et nous continuerons à empêcher les transferts d’armes sophistiquées au Hezbollah.
L’AFP a choisi de ne pas reproduire cette phrase qui invalide son titre : l’armée israélienne affirme simplement son engagement à se défendre face au bellicisme… du Hezbollah.
Iran, terrorisme, missiles… Ces mots absents
Plus remarquable encore que cette inversion de rôles, l’AFP a réussi un authentique exploit : écrire une dépêche entière sur le Hezbollah sans parler une seule fois de l’Iran ! Pas plus que de terrorisme, de missiles…
Il est pourtant de notoriété publique que le Hezbollah dépend entièrement de l’Iran, chiite comme lui, qui lui fournit son armement. L’organisation, farouchement anti-juive, classée comme terroriste par l’Union européenne et dont l’un des principaux objectifs est la destruction d’Israël, possèderait entre autres plus de 150.000 fusées et missiles capables de frapper jusqu’aux grandes villes israéliennes.
Un voyage pas du goût de tout le monde au Liban
En anglais, le titre de la dépêche de l’AFP était différent :
Comme si le Hezbollah représentait non avant tout des une partie chiite des libanais et leur protecteur iranien, mais « le Liban ».
Au Liban, pourtant, l’opération de communication du Hezbollah n’a pas été du goût de tout le monde. Le quotidien L’Orient Le Jour, proche de l’Alliance du 14-Mars opposée à l’influence syrienne et donc iranienne dans le pays, rapporte :
Affirmant que « la tournée a suscité de vives réactions dans les milieux politiques », le journal précise :
C’est dans ce cadre que s’inscrit un communiqué publié hier par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. « Cette tournée est une erreur stratégique, dans la mesure où le Hezbollah a donné l’impression que l’armée libanaise n’est pas responsable des frontières », souligne le communiqué, avant d’ajouter : « Le pire, c’est que le Hezb a donné l’impression que la résolution 1701 du Conseil de sécurité (2006) est tombée dans l’oubli. »
(…)
De son côté, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a saisi l’occasion pour tirer à boulets rouges sur le gouvernement. « Le cabinet ne respecte pas ses engagements, notamment en matière de respect des résolutions internationales, dont la 1701 », a souligné le député du Metn dans une déclaration. Selon lui, « la tournée dans une zone où s’applique la 1701 est une atteinte au prestige de l’État et à sa souveraineté, et une nouvelle menace pour les relations du Liban avec la communauté internationale ».
(…)
Même son de cloche auprès du comité central du courant « 14 Mars-On continue ». Dans un communiqué publié hier, ce groupe s’est posé la question de savoir ce que pensent MM. Aoun et Sarraf de « cette atteinte aux prérogatives de l’armée libanaise ». Le collectif a, en outre, mis en garde contre « l’insistance du Hezbollah à mettre le Liban en confrontation avec la communauté internationale, conformément à un agenda iranien visant à isoler le pays, en vue de l’annexer au croissant iranien ».
Figure de proue de ce mouvement, le premier ministre Saad Hariri s’est même lui-même rendu au Sud-Liban dès le lendemain, dans une visite qui a été décrite comme du « damage control », avec un message fort : « Nous sommes les garants de la paix au Liban-Sud ».
La résolution 1701 du conseil de sécurité de l’ONU, qui confère en effet cette responsabilité à l’État libanais, est encore un élément que la correspondante de l’AFP n’a pas jugé bon de rappeler alors qu’il est indispensable pour comprendre la situation.
La guerre de 2006 fut déclenchée en réponse à la capture par le Hezbollah de deux soldats israéliens et l’assassinat de plusieurs autres ainsi que le bombardement de localités israéliennes. L’AFP, par son décompte (« mort de 1.200 personnes au Liban, pour la plupart des civils, et 160 Israéliens en grande majorité des soldats ») fait peu de cas des 44 civils israéliens tués ni du fait que nombre des 119 soldats morts étaient des réservistes, donc des civils qui n’eurent d’autre choix que d’aller se battre. 400 soldats et environ 2000 civils israéliens furent également blessés, certains gravement. Il y eut effectivement davantage de victimes au Liban. Mais l’affirmation selon laquelle 1200 victimes étaient « pour la plupart des civils » est contestée par Israël, qui estime que 500 à 600 combattants du Hezbollah auraient été tués.
C’est donc la résolution 1701 qui mit fin au conflit en exigeant le désarmement du Hezbollah :
[Le Conseil de sécurité] souligne qu’il importe que le Gouvernement libanais étende son autorité à l’ensemble du territoire libanais (…) afin d’y exercer intégralement sa souveraineté, de sorte qu’aucune arme ne s’ytrouve sans le consentement du Gouvernement libanais et qu’aucune autorité ne s’y exerce autre que celle du Gouvernement libanais
Une décennie plus tard, au mépris de cette résolution et de l’avis d’autres parties de la société libanaise, le Hezbollah est plus armé que jamais. Son chef menace de tuer des milliers d’Israéliens (des civils…) et frappant des usines chimiques ou de cibler le réacteur nucléaire de Dimona.
Rien de tout cela n’a perturbé l’AFP, dont la correspondante conclut sur… « l’odeur du thym sauvage et des fleurs jaunes d’ajoncs [qui] embaumait l’air. » C’est envoutant, mais est-ce une raison suffisante pour désinformer les français en relayant sans critique la propagande d’un groupe terroriste ?
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Auteur : InfoEquitable
Image : capture d’écran LBC
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