Le 17 novembre, un Palestinien a blessé deux Israéliens, dont un gravement, à Efrat et au carrefour du Goush Etzion en Judée – un « point chaud » où ont eu lieu ces dernières années de nombreux attentats contre des Israéliens commis sur un mode désormais reproduit ailleurs dans le monde : l’usage d’une voiture bélier contre des civils suivi d’une poursuite à pied en brandissant un couteau contre des militaires.
L’Agence France-Presse a coutume d’assortir chaque dépêche annonçant un attentat en Israël d’un « paragraphe automatique » recensant de manière détaillée les personnes tuées ces deux dernières années. Un niveau de détail réservé à Israël, quand bien même d’autres conflits sont bien plus meurtriers. Sur la Syrie, par exemple, l’AFP reprend périodiquement les rapports de « l’Observatoire syrien des droits de l’Homme » (une organisation qui ne fait d’ailleurs pas l’unanimité). Mais la pratique d’apposer un décompte à la fin de chaque article n’existe pas pour la Syrie, ni pour le reste du monde.
L’AFP a donc assorti sa dépêche du 17 novembre du paragraphe d’usage :
Israël, Jérusalem et les Territoires palestiniens restent en proie aux violences même si, quasiment quotidiennes à partir d’octobre 2015, elles se sont faites plus sporadiques.
Ces violences ont causé la mort d’au moins 308 Palestiniens ou Arabes israéliens, 51 Israéliens, et sept étrangers depuis le 1er octobre 2015, selon un décompte de l’AFP.
La plupart des Palestiniens tués sont les auteurs ou auteurs présumés d’attaques, dont bon nombre commises au couteau ou à la voiture bélier.
Le précédent décompte similaire datait du 29 octobre, lorsque deux Palestiniens avaient été inculpés pour attaque terroriste après avoir tué un Israélien, Reuven Schmerling :
Depuis octobre 2015, Israël, Jérusalem et les Territoires palestiniens occupés sont le théâtre des violences sporadiques qui ont causé la mort d’au moins 295 Palestiniens ou Arabes israéliens, 51 Israéliens, deux Américains, deux Jordaniens, un Erythréen, un Soudanais et une Britannique, selon un décompte de l’AFP.
D’un décompte à l’autre, le nombre de morts israéliens ne changeait pas : 51. L’attaque du 17 novembre s’était en effet soldée par deux individus traumatisés (de même que leur entourage), mais pas par des morts.
Mais le nombre de « Palestiniens ou Arabes israéliens » morts, lui, gonflait entre les deux dates : de 295 à 308.
Cela faisait 13 morts arabes de plus. Qui cela pouvait-il bien être ?
L’un des treize morts était Mohammed Moussa, un Palestinien qui n’avait pas obtempéré lorsque les soldats israéliens lui demandèrent de s’arrêter à un checkpoint le 31 octobre. L’armée israélienne a suspendu pour « conduite non professionnelle » un officier présent lors de cet événement, qu’elle n’a pas considéré comme une attaque terroriste. Mohammed Moussa est donc bien une victime palestinienne.
Et les douze autres ? L’AFP a, tout simplement, comptabilisé les douze terroristes du Jihad Islamique et du Hamas morts « dans l’exercice de leurs fonctions » le 30 octobre 2017. Alors que, partis depuis Gaza, ils creusaient sous le territoire israélien un tunnel destiné à mener des attaques contre des civils israéliens habitant les kibboutz frontaliers de Gaza, ces hommes avaient été surpris par une explosion : l’armée israélienne venait de faire sauter l’ouvrage et ses bâtisseurs.
Au fond, l’AFP dit vrai. Ces douze Palestiniens sont bien « morts dans les violences ». Mais dans des violences qu’ils ont causées ! « Violences » est un terme vague et neutre qui ne reflète pas la nature des événements : une vague d’attaque terroristes commises contre les civils israéliens. Comment la mort d’hommes servant dans des organisations militaires terroristes peut-elle être décomptée sur le même plan que celle de civils poignardés ou écrasés dans la rue, voire parfois chez eux, par des terroristes venus les tuer ?
Les lecteurs risquent de ne retenir qu’une information de ce décompte : il fait état de six fois plus de morts palestiniens que de morts israéliens. Peu importe que l’AFP précise que « la plupart des Palestiniens tués sont les auteurs ou auteurs présumés d’attaques » : l’impression donnée par cette présentation, mise à jour et répétée à chaque occasion, est qu’un camp souffre plus que l’autre. La même importance est donnée aux victimes et à leurs bourreaux. Cette mise en équivalence brouille les pistes et trompe les esprits.
Découpage ethnique
Jusqu’au mois d’août, l’AFP comptabilisait deux catégories principales de victimes, les « Palestiniens » et les « Israéliens ». Cependant, ce décompte par « ethnicité » n’est pas aussi scientifique qu’il n’en a l’air.
Voici comment il apparaissait par exemple le 14 juillet :
Depuis octobre 2015, Israël et les Territoires palestiniens sont en proie à des violences qui ont causé la mort de 281 Palestiniens, 44 Israéliens, deux Américains, deux Jordaniens, un Érythréen, un Soudanais et une Britannique, selon un décompte de l’AFP.
Mais depuis septembre, une rubrique « Palestiniens ou Arabes israéliens » a remplacé celle des « Palestiniens ». Voici par exemple le décompte du 17 novembre :
Ces violences ont causé la mort d’au moins 308 Palestiniens ou Arabes israéliens, 51 Israéliens, et sept étrangers depuis le 1er octobre 2015, selon un décompte de l’AFP.
Le 14 juillet 2017, deux policiers israéliens ont été tués là Jérusalem lors d’une attaque qui déclencha la crise dite « des portiques ». Ces deux policiers étaient druzes, donc arabes. Leurs assassins, eux, étaient trois autres Arabes israéliens originaires d’Umm Al-Fahm, ville arabe du nord d’Israël. L’AFP a fait passer le décompte de « 277 Palestiniens et 42 Israéliens », en date du 12 juillet, à « 281 Palestiniens et 44 Israéliens » en date du 14 juillet. L’AFP a donc classé les morts arabes israéliens différemment, selon qu’ils soient agresseurs ou victimes : les trois terroristes, avec les « Palestiniens ou Arabes israéliens », et les deux victimes, avec les « Israéliens » !
Qu’est-ce qui peut bien justifier de séparer les Arabes israéliens des autres Israéliens ?
Même s’il agit en tant que terroriste contre ses concitoyens, un arabe détenteur du passeport israélien reste un Israélien. A Umm Al-Fahm, la ville d’origine des trois terroristes, la communauté internationale reconnaît pleinement la souveraineté de l’Etat d’Israël sur tous ses citoyens, fussent-ils issus de minorités.
Les 20% de citoyens arabes d’Israël sont aussi israéliens que n’importe lequel de leurs concitoyens juifs.
Décrire un Arabe israélien comme un Palestinien ne revient-il pas à soutenir un irrédentisme palestinien, voire l’existence d’une souveraineté palestinienne non pas à côté d’Israël, mais à la place d’Israël ?
Jérusalem retranchée d’Israël ?
Le paragraphe automatique de l’AFP est constamment affiné : jusqu’au mois de juillet, les décomptes couvraient « Israël et les Territoires palestiniens ».
Depuis le mois d’août, l’agence a modifié son texte qui parle désormais d’ « Israël, Jérusalem et les Territoires palestiniens ».
Voilà que Jérusalem ne ferait plus partie d’Israël. Pas seulement « Jérusalem-Est », que l’agence mentionne habituellement dans un apparent souci de vouloir seulement partager la ville entre deux peuples ; Jérusalem tout entière !
C’est un peu comme écrire « La France et Paris »…
Ce décompte, tenu scrupuleusement et diffusé jour après jours dans des milliers de dépêches, formate les esprits. Chacun de ses mots est pesé et il est peu probable que la nouvelle formulation soit le fruit du hasard. Israël sans Jérusalem ne serait plus Israël. Est-ce le but recherché ?
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‘Ami Artsi עמי ארצי / 28 novembre 2017
Attention : quand vous écrivez « L’AFP a, tout simplement, comptabilisé les douze terroristes du Jihad Islamique et du Hamas morts dans l’exercice de leurs fonctions le 30 octobre 2017 », je comprends ce que vous essayez de dire mais la formule est maladroite. « Mort dans l’exercice de ses fonctions » est une formule bien déterminée utilisée pour rendre hommage à un policier ou un soldat qui a agi héroïquement. Cette formule ne vient pas de l’AFP, pour ce que j’en ai lu, mais du site InfoEquitable.
Mieux vaut trouver une autre formulation mettant en exergue le fait qu’ils ont été tués dans le cadre des opérations terroristes qu’ils avaient planifiées que « dans l’exercice de leurs fonctions ».
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InfoEquitable / Auteur / 28 novembre 2017
L’expression ne vise bien entendu pas à assimiler ces hommes aux véritables héros, policiers ou soldats, qui sacrifient parfois leurs vies pour des causes infiniment meilleures. Ils sont morts dans le cadre de leurs activités paramilitaires terroristes, expliquées dans la phrase suivante. Cela nous paraissait clair, mais nous pouvons mettre la formule entre guillemets si le second degré ne vous semble pas évident.
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