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Quand l’AFP présente l’espion Mordehaï Vanunu comme un inoffensif « lanceur d’alertes »

InfoEquitable lance aujourd’hui une nouvelle rubrique, « Les petites turpitudes de l’AFP ». Retrouvez-y nos révélations sur les derniers dérapages de l’AFP.

 

Régulièrement, l’Agence France-Presse (AFP) donne des nouvelles de Mordehaï Vanunu.

C’est l’un de ses personnages fétiches.

La dernière dépêche en date est celle du 1er octobre.

Celle-ci était titrée :

 

La Norvège accepte d’accueillir le lanceur d’alertes israélien Mordehaï Vanunu

Oslo, 1 oct 2017 (AFP) –

La Norvège a accepté d’accueillir l’ex-technicien atomiste israélien Mordehaï Vanunu, qui avait révélé des secrets sur le programme nucléaire de l’État hébreu, a annoncé samedi soir sa femme norvégienne à la télévision TV2.

 

Vous avez bien lu, Mordehaï Vanunu est qualifié de « lanceur d’alertes ».

C’est le titre qui lui est habituellement donné lorsque l’AFP, qui pourtant sait que l’homme a été un espion, évoque son cas.

 

Qui est en réalité M. Vanunu ? 

Ancien technicien à la centrale nucléaire de Dimona, en Israël, Mordehaï Vanunu a défrayé la chronique il y a 30 ans. En octobre 1986, il est à l’origine d’un scoop mondial : la révélation par le journal britannique The Sunday Times du programme nucléaire militaire israélien.

Avant de quitter Israël, Mordehaï Vanunu, qui a travaillé entre 1977 et 1985 à la centrale de Dimona, est parvenu à introduire un appareil photo à l’intérieur du site ultra secret et à prendre une soixantaine de clichés des installations. Ces photos détaillées sont publiées par l’hebdomadaire anglais à qui Vanunu les a vendues.

 

 

Quelques jours après, Mordehaï Vanunu est retrouvé à Rome par le Mossad, les services secrets israéliens, qui lui ont tendu un piège. Arrêté dans la capitale italienne, le technicien est ramené en Israël où il est jugé. A l’issue de son procès, lors duquel il bénéficie des droits garantis à tout justiciable, notamment l’assistance d’un avocat, l’ex-technicien est condamné à 18 ans de prison pour « trahison, espionnage et révélation de secrets d’Etat. »

 

La version très biaisée de l’AFP

Ce dernier épisode est relaté de manière fort curieuse et pour tout dire très édulcorée par la dépêche de l’AFP :

 

Ancien technicien de la centrale de Dimona, Mordehaï Vanunu a été emprisonné de 1986 à 2004 pour avoir révélé des informations sur les activités de ce site.

Enlevé à Rome par les services de renseignements israéliens, il a été transféré en Israël où il est resté plus de 10 ans en isolement total. Depuis sa libération en 2004, il reste soumis à une série de restrictions dont une interdiction de s’entretenir avec des journalistes étrangers et de quitter le territoire israélien.

 

Explication de texte

Ce passage est un morceau de bravoure de l’AFP, à verser dans les annales de l’agence d’Etat ! 

Relisons ensemble cette litanie de participes passés :  M. Vanunu aurait donc été « emprisonné » après avoir été « enlevé » et « transféré », puis est « resté » 10 ans à l’isolement… pour avoir simplement « révélé » des informations.

Cherchez l’erreur : nulle part dans la dépêche, il n’est rappelé que l’ex-technicien de la centrale de Dimona a été jugé par un tribunal et qu’il a été régulièrement condamné pour trahison, espionnage et révélation de secrets d’État, des crimes sévèrement réprimés dans toutes les grandes démocraties.

De manière insidieuse, le narratif de l’AFP laisse entendre que Mordehaï Vanunu aurait été victime d’un système aussi arbitraire qu’injuste.

On perçoit bien l’effet produit par cette dépêche auprès du journaliste de base d’une rédaction lambda cliente de l’agence : il aura toutes les raisons de considérer qu’Israël n’est ni une démocratie, ni un Etat de droit, mais un pays où l’on emprisonne sans plus de procédure les dissidents, les gêneurs et autres « lanceurs d’alertes »…

Fidèle à l’une de ses techniques favorites, l’AFP ne dit rien de faux. Mais passe sous silence une information essentielle. C’est le principe bien connu du mensonge par omission. 

La dépêche, une fois diffusée, circule sur le Net. Elle est reprise par plusieurs grands médias comme Radio France internationale.

 

 

Mordehaï Vanunu est-il réellement un « lanceur d’alertes » ?

On peut d’ailleurs, à ce stade, s’interroger sur la justesse du qualificatif décerné ainsi par l’AFP à l’ex-technicien de Dimona.

Comment définir ce qu’est un « lanceur d’alertes » ?

Selon l’association Transparency International, qui promeut ce mode d’action,

 

Le lanceur d’alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l’intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d’y mettre fin. Ils jouent un rôle fondamental dans la lutte contre la corruption.

 

On le voit, cette définition est assez éloignée du cas Vanunu, sauf à poser d’emblée le postulat que les lois de l’État d’Israël (et l’État lui-même ?) sont « illicites » et « illégales ».

 

Au fait, qu’aurait risqué Mordehaï Vanunu en France ?

Imaginons qu’un technicien breton (appelons-le Erwan Kervanunu) de la base militaire de l’ÃŽle Longue, dans la rade de Brest, photographie clandestinement les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), pièces maîtresses de la force de frappe française, et qu’il aille revendre les clichés au Sunday Times ou à la Frankfurter Allgemeine.

Quel serait le statut de ce paparazzi bigouden au regard de la justice française ?

 

 

Selon l’article 411-6 du Code Pénal, il ne manquerait pas d’être poursuivi pour trahison et encourrait (à trois ans près) la même peine que son alter ego israélien.

 

Le fait de livrer ou de rendre accessibles à une puissance étrangère, à une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont l’exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation est puni de quinze ans de détention criminelle et de 225 000 euros d’amende.

 

Et il y a fort à parier que l’Agence France-Presse réfléchirait à deux fois avant de lui accorder le statut de « lanceur d’alertes. »

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