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Les complaintes de la nageuse palestinienne aux J.O.

MISES A JOUR

HonestReporting a mis en évidence le débat qui a faisait rage sur Twitter entre Luke Baker, correspondant de l’agence Reuters qui a également donné la parole à Mary al-Atrash et son entraîneur, et des activistes et journalistes du Jerusalem Post qui s’opposaient à sa version.

Le Jerusalem Post a ensuite mené une enquête supplémentaire sur le terrain qui a démontré qu’il n’existait pas de piscine de 50 mètres dans les territoires palestiniens, mais seulement des bassins de 25 mètres : une longueur « semi-olympique », utilisée cependant par beaucoup d’athlètes de par le monde pour l’entraînement. Le journal conclut :

Voici un point dont tout le monde devrait se souvenir et qui a malheureusement souvent été négligé. Qu’il y ait ou non un bassin de taille olympique en Cisjordanie, dans ce cas cela n’a rien à voir avec Israël ou la soi-disant occupation. Les Palestiniens contrôlent de larges parties de la Cisjordanie et peuvent juste en construire une. Alors pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Peut-être que des articles comme ci-dessus soient écrits.

HonestReporting tire les trois enseignements suivants de ce débat, dont le troisième s’applique à France Info de la même manière qu’à Reuters :

1. Liebovitz, le journaliste de Tablet Magazine, aurait dû être plus prudent dans la confiance qu’il a accordée aux sites web palestiniens sur lesquels il a basé sa recherche.

2. Il n’y a pas de bassin de 50 mètres, taille olympique, dans les territoires palestiniens.

3. Reuters a eu le tort de ne pas mentionner la source de l’affirmation selon laquelle il n’y avait pas de piscine aux dimensions réglementaires, ce qui a forcé un autre journal à faire une vérification indépendante. De plus, Tablet et le Jerusalem Post ont apporté une nuance importante que Reuters avait ignorée – à savoir qu’il n’est pas inhabituel pour des nageurs de s’entraîner dans des bassins de 25 mètres et qu’il n’y a aucune trace de demande de Mary al-Atrash pour aller s’entraîner dans de plus grands bassins à Jérusalem.

* * *

France Info présentait il y a quelques jours Mary al-Atrash, une nageuse de la délégation palestinienne.

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Le lecteur apprenait que :

le manque d’infrastructure dans la région complique la préparation de sportifs comme Mary al-Atrash, nageuse de 22 ans qui n’a qu’un bassin de 25m pour s’entraîner.

La nageuse précisait :

J’avais fait un bon temps mais pas suffisamment pour être qualifiée directement parce que nous, les palestiniens, nous n’avons pas les mêmes chances par rapport aux autres pays. Notamment au niveau des infrastructures.

Israël n’était pas nommé dans l’interview, mais l’entraîneur palestinien pointait « des tensions » :

Le bassin dans lequel s’entraîne la nageuse (…) ne fait que 25 mètres, soit la moitié de la longueur olympique. Il n’existe pas en Cisjordanie ou à Gaza de piscine de 50 mètres. Une difficulté évidente pour Moussa Nawawre, son entraîneur : « La situation n’est pas facile en Palestine. Il y a toujours des tensions. Concernant la piscine, c’est évidemment un handicap de ne pas avoir de bassin à taille olympique. Nous n’avons quasiment pas d’infrastructures. »

Le manque d’infrastructures dans les territoires palestiniens est donc selon la nageuse un obstacle à son entraînement. Deux questions se posent : ces infrastructures manquent-elles réellement et la nageuse n’avait-elle vraiment aucun moyen d’accéder à un bassin approprié pour s’entraîner ?

Tablet Magazine a mené une enquête. Le magazine affirme que des piscines de taille olympique existent bel et bien à Gaza comme à Naplouse. A Gaza, une piscine de taille olympique (50 mètres) a bien été ouverte en 2010 – même s’il n’est pas certain qu’elle existe encore aujourd’hui. A Beit Sakhur, la ville de la nageuse, le complexe touristique Murad prétend abriter quatre piscines de taille olympique – une affirmation quand même assez douteuse pour un lieu de vacances, surtout quand on sait que des règles précises s’appliquent pour qu’un bassin soit homologué. Il reste donc une incertitude à ce sujet.

"The resort houses four Olympic-sized swimming pools" - "le complexe contient quatre piscines de taille olympique"

« The resort houses four Olympic-sized swimming pools » – « le complexe contient quatre piscines de taille olympique »

Quoi qu’il en soit, la responsabilité de la construction d’infrastructures sportives n’incombe-t-elle pas d’abord aux autorités en charge de l’administration civile d’un territoire ? C’est à dire l’Autorité Palestinienne dans les grandes villes de la zone A des accords d’Oslo où vit la majorité des habitants palestiniens, et le Hamas à Gaza; mais France Info ne fait aucune allusion à la responsabilité de ces autorités.

On se demande ce qui justifie une telle mise en évidence des conditions d’entraînement supposées d’une nageuse palestinienne alors que de nombreux pays ont des niveaux de vie et d’équipement bien plus faibles. Que l’on songe à ce nageur olympique de Guinée Equatoriale qui participa aux jeux de Sydney en 2000 alors qu’une seule piscine de 12 mètres existait dans son pays.

Reste que si l’insatisfaction par rapport à l’infrastructure avait réellement été le principal souci de Mary al-Atrash, elle aurait pu le résoudre facilement. Les autorités israéliennes disent n’avoir jamais reçu de demande de permis la part de la nageuse pour venir s’entraîner à Jérusalem où de tels bassins existent. Cela signifie que si elle en avait fait la demande, elle aurait certainement eu la possibilité de pratiquer son sport dans un bassin de taille olympique. A quoi bon alors se plaindre dans les médias de bénéficier de chances moindres si une solution si simple existait ?


Image : CC BY-NC 2.0 JD Lasica

Auteur : InfoEquitable

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