La mairie de Jérusalem a annoncé ce 22 janvier la construction de 671 unités de logement dans des quartiers de Jérusalem situés au-delà de la ligne verte.
La nouvelle – à mettre en perspective avec une population de 870,000 habitants – a été complètement transformée avant d’atteindre le public francophone, dans la droite ligne de la manipulation qu’InfoEquitable avait constatée en septembre dernier, lorsque la construction d’une maison de retraite de 234 lits avait été comptabilisée dans les médias et au ministère des Affaires étrangères comme autant de logements, comprenez « maisons ».
Reuters offre un décompte différent, puisque de 671 on passe à 560.
Pourquoi cette différence ?
Israël a approuvé dimanche les permis de construire de plus de 560 logements dans trois implantations juives de Jérusalem-Est.
Selon Reuters, donc, l’ensemble des nouveaux logements sont destinés à des Juifs (implicitement désignés comme des « colons » à Jérusalem par l’usage du terme « implantations ». L’agence précise qu’il s’agit de
plus de 560 unités de logement dans les implantations urbaines de Pisgat Zeev, Ramat Shlomo et Ramot.
L’Agence France-Presse est plus explicite que Reuters puisque pour elle, les quartiers juifs sont des « quartiers de colonisation » :
La mairie israélienne de Jérusalem a donné son feu vert définitif à la construction de 566 logements dans trois quartiers de colonisation de Jérusalem-Est deux jours après l’entrée en fonction du président américain Donald Trump.
La dépêche AFP est largement diffusée, entre autres par :
Le compte n’est pas bon
Ce que Reuters et l’AFP ne disent pas, c’est que le Jerusalem District Planning and Building Committee a approuvé également 105 unités de logement dans les quartiers arabes de Jérusalem : 49 à Beit Hanina, 14 à Wadi al-Joz, 24 à Umm Lisun et Umm Tuba, 7 à Jabel Mukaber, 4 à Beit Safafa, 3 à Sur Baher et 4 à At-Tur.
Le maire, Nir Barkat, a ajouté en parlant des années durant lesquelles l’administration Obama avait fait pression sur Israël pour geler les constructions :
J’espère que cette époque est révolue et que désormais nous continuerons à construire et développer Jérusalem pour le bien de ses résidents, juifs comme arabes.
Un passage de la déclaration qui ne figure pas dans les dépêches des deux agences.
Pour être complets, ajoutons qu’une des dépêches de l’AFP a mentionné les logements prévus dans les quartiers arabes. Cette dépêche les a cependant délibérément séparés des autres :
Le maire de Jérusalem, Nir Barkat, a précisé dans un communiqué que 105 logements seraient également construits dans les quartiers palestiniens, se félicitant de la fin des « huit années difficiles avec Obama. »
Il est bien évidemment impossible que Nir Barkat ait parlé de « quartiers palestiniens » à Jérusalem, ville qu’Israël considère comme unifiée et dans laquelle il n’y a pas de quartiers « palestiniens » puisqu’il n’y a jamais eu de souveraineté arabe sous ce nom auparavant, le dernier occupant étant la Jordanie. L’AFP attribue donc une citation inexacte au maire qui n’a par ailleurs pas effectué de sous-totaux séparés pour les logements destinés aux quartiers juifs et arabes.
Cette dépêche n’a d’autre part été reprise que par quelques titres d’assez faible diffusion. La grande majorité des titres a bel et bien occulté les constructions prévues dans les quartiers arabes.
Des médias israéliens reprennent ces décomptes partiaux
Un certain nombre de médias israéliens ont véhiculé les mêmes chiffres partiels. Il est important de le dire, au cas où certains lecteurs penseraient que la nationalité de ces médias les immunise contre une présentation défavorable à Israël des faits.
Ainsi, i24news reprenait sans questionnement le chiffre de l’AFP :
Même chose au Times of Israel, dont l’article se basait entièrement sur la dépêche de l’AFP :
Le Times of Israel a néanmoins raccourci quelque peu la dépêche. Le journal a, surtout, procédé à des retouches. Ainsi, « Ces logements seront construits dans les quartiers de colonisation de Pisgat Zeev, Ramot et Ramat Shlomo, a précisé Meïr Turjeman » (version AFP) devient « Ces logements seront construits dans les quartiers de Pisgat Zeev, Ramot et Ramat Shlomo, a indiqué Turjeman » (version ToI).
De même, « Quelque 430 000 colons israéliens vivent actuellement en Cisjordanie occupée et ils sont plus de 200 000 à Jérusalem-Est dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l’Etat auquel ils aspirent » (AFP) devient « Quelque 430 000 Israéliens vivent actuellement en Cisjordanie, dont plus de 200 000 à Jérusalem Est, dont le régime palestinien veut faire sa capitale » (ToI).
Le Times of Israel refuse donc la terminologie de l’occupation et de la colonisation. Mais alors, pourquoi prendre sans autre comme source l’AFP et ses chiffres incomplets ?
La tendance : associer Trump et « colonisation »
Le nouveau président américain n’est pas populaire auprès des journalistes français. On sait aussi qu’il va sans doute adopter une attitude beaucoup plus conciliante que son prédécesseur envers Israël.
Associer Israël et ce président vilipendé permet d’accabler encore plus Israël :
Pour que la diabolisation fonctionne, les mêmes chiffres tronqués sont utilisés :
les autorités de la ville sainte ont ainsi donné leur aval définitif à l’érection de 566 logements dans les quartiers de Pisgat Zeev, Ramot et Ramat Shlomo
A nouveau, les constructions dans les quartiers arabes disparaissent du décor. Omission nécessaire pour affirmer qu’il y a « colonisation », ce vol de terres dont Israël est accusé : ce serait un bien étrange voleur que celui qui prendrait en compte les besoins des gens qu’il est censé détrousser.
Libération reprend dans son article les mêmes chiffres (566 logements) pour dépeindre Israël comme un Etat-rapace en l’associant au président américain :
Comptant sur la bienveillance de Trump, les ultras de l’Etat hébreu rêvent de mettre la main sur l’une des plus importantes colonies de Cisjordanie.
Le Quai d’Orsay si soucieux du bien-être des Arabes oublie lui aussi les logements qui leur sont destinés
En rien désarçonnée par l’échec de sa récente « conférence de paix », si cuisant qu’elle l’avait passé sous silence, la diplomatie française s’est fendue d’un communiqué reprenant lui aussi les chiffres incomplets :
Les autorités françaises condamnent donc les autorités israéliennes sur la base d’une partie seulement de leurs actions. Pour Paris, les maisons construites dans les quartiers arabes n’existent pas.
Le Figaro n’a pas manqué d’annoncer cette prise de position :
Commentaire
A notre connaissance, en français les seuls qui ont donnée l’information correcte, avec les chiffres totaux annoncés pour les quartiers juifs et arabes, sont des médias proches de la communauté juive – par exemple alyaexpress-news. Le niveau de désinformation est tel que l’ensemble des grands médias et le Quai d’Orsay ont répété à l’unisson une information tronquée.
Le Quai d’Orsay et la presse sont ainsi totalement alignés sur la position clamant « condamner la colonisation », calquée sur celle que les responsables Palestiniens adoptent lorsqu’ils prétendent s’opposer à une « judaïsation » de Jérusalem (un bien drôle de terme pour une ville qui est le berceau du judaïsme et du peuple juif). Décrire la construction par Israël de logements pour les Arabes irait à l’encontre de cette hypothèse. Et tant pis si de nombreux Arabes de Jérusalem coexistent avec les Juifs et attendent que l’Etat réponde à leurs besoins de citoyens.
Ne nous y trompons pas, cela fait partie d’une campagne de délégitimation d’Israël dans laquelle le seul récit qui a droit de citer est celui de la « colonisation » de Jérusalem « -Est », « occupée » par Israël. En dépit du fait que la ligne verte n’est qu’une ligne d’armistice imposée par l’occupant jordanien après une guerre d’agression en 1949 et qu’Israël a conquis l’ensemble de Jérusalem en 1967 suite à une autre guerre provoquée par les pays arabes ; en dépit d’une légitimité historique indéniable du peuple juif sur Jérusalem, quoi qu’en disent les falsificateurs d’Histoire de l’Unesco ; et même, s’il le faut, en dépit du bon sens, lorsque l’occultation d’une action bénéfique d’Israël envers les résidents arabes est préférée à la vérité.
Vous avez aimé cet article ? Suivez InfoEquitable sur Facebook et Twitter.
Auteur : © InfoEquitable. Si vous souhaitez reproduire cet article, merci de demander ici une autorisation écrite préalable.
Image : cc Wikimedia Commons
Sylvain Sitbon / 27 janvier 2017
Il faut arrêter de considérer qu’I24News est un média israélien. C’est faux, désigner I24News comme un média français installé en Israël, serait plus juste.
C’est ça la réalité, car cette chaîne appartient à un Français vivant en Israël, car il a eu l’opportunité et l’intelligence, disons le, d’y développer le marché de la TV par câble que les opérateurs traditionnels avaient délaissé, donnant ainsi naissance à HOT.
S’appuyant sur ce groupe fondé en Israël, va de là partir à la conquête de proies identiques en France notamment, mais un peu partout dans le monde.
Il faut également dire qu’I24News est dirigée par un ancien fonctionnaire du quai d’Orsay – Franck Melloul, ancien bras droit de Villepin, c’est dire – et opérée essentiellement par des journalistes français anciens de France Info ou maintenant de France Télévision comme Paul Amar.
C’est donc bien, je le répète, une chaîne française émettant de Tel-Aviv-Jaffa, ce qui est sensiblement différent d’une chaîne israélienne.
/
InfoEquitable / Auteur / 27 janvier 2017
Le fait est que cette chaîne est regardée par un public en France qui, considérant qu’elle émet depuis Jaffa sans forcément connaître la genèse de l’entreprise et le parcours des gens qui y travaillent, la pense plus équilibrée que les grands médias français. On voit que ce n’est pas forcément le cas. Merci à vous pour ces précisions tout à fait pertinentes.
/