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Gaza développe son économie? FranceInfo le reproche à Israël!

L’essor de la pisciculture à Gaza est le fruit d’une décennie d’investissements. Mais d’un développement a priori bienvenu, la radio publique a trouvé un reproche à formuler contre Israël…

 

Partout ailleurs dans le monde, les journalistes auraient vraisemblablement salué la croissance d’une activité procurant emplois et moyens de subsistance à la population.

Mais pas à Gaza.

 

 

Le titre initialement choisi par la rédaction de FranceInfo l’affirme, si les pêcheurs de Gaza se lancent dans l’élevage de poissons, c’est parce que le « blocus israélien » les y oblige. Ils sont « réduits » à cette activité.

 

 

Un titre d’ailleurs rapidement modifié, tant il est évident que des pêcheurs ne s’improvisent pas éleveurs de bêtes à écailles du jour au lendemain…

 

 

Mais cela ne change rien au fond de l’affaire.

Les journalistes aiment se référer aux Nations unies. Que le correspondant de FranceInfo nous permette donc de le renvoyer à ce communiqué de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) paru en mai 2020 que nous citerons dans son intégralité :

 

Favoriser une production de poisson durable et de grande valeur dans la bande de Gaza

La FAO commence les travaux d’installation de la pisciculture en cage offshore dans les eaux de la bande de Gaza

Le 6 avril 2020, les pêcheurs de la bande de Gaza ont témoigné du début des travaux d’installation d’une cage marine offshore dans les eaux de Gaza. Cette cage marine, une première pour Gaza, s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par l’Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), avec le soutien de l’Agence italienne de coopération au développement (AICS) et en coopération avec le ministère palestinien de l’agriculture, pour renforcer la résilience des communautés de pêcheurs de Gaza.

Le secteur de la pêche reste une source importante d’emplois à Gaza, dans un contexte de taux de chômage alarmants. Le poisson est également une source majeure de nutriments essentiels pour les familles de Gaza et contribue à la sécurité alimentaire et à la diversité nutritionnelle. La FAO soutient la création d’une aquaculture offshore en cage qui sera gérée comme une entreprise sociale appartenant à la communauté des pêcheurs. Selon Ciro Fiorillo, chef du bureau de la FAO en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la pisciculture en cage devrait produire environ 150 tonnes de daurades par an, ce qui apportera 4 à 5 % de plus au marché local du poisson. « Cela permettra d’augmenter les revenus et les profits des pêcheurs, en fournissant un flux durable de ressources financières à réinvestir dans le secteur de la pêche de Gaza Â», a-t-il expliqué. La disponibilité accrue de poisson rendra également le poisson plus abordable pour les consommateurs, améliorera les niveaux de consommation et la diversité alimentaire, et contribuera à la croissance des exportations et des revenus de la communauté des pêcheurs.

« La pisciculture en cage sera établie, gérée et exploitée par une entreprise sociale, détenue et régie par le Syndicat des pêches de Gaza, qui représente l’ensemble des 3 700 pêcheurs actifs le long de la côte de la bande de Gaza Â», a ajouté Azzam Ayasa, chef du programme de la FAO en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. La FAO a fourni un soutien technique au syndicat et à d’autres institutions liées à la pêche à Gaza, afin de leur permettre de gérer avec succès l’entreprise sociale. Cela comprend un soutien à la création d’un fonds d’investissement et une formation aux compétences commerciales et de gestion.

Une augmentation de la disponibilité du poisson sur le marché de Gaza est prévue une fois que l’aquaculture en cage commencera à compléter les activités de pêche conventionnelles qui ont été essentielles pour assurer des moyens de subsistance durables aux pêcheurs de Gaza. Par ailleurs, le succès de ce projet pilote devrait démontrer la faisabilité de la pisciculture offshore et promouvoir la croissance d’un nouveau segment dans l’industrie de la pêche à Gaza

 

On le voit, la pisciculture est à Gaza une activité choisie et voulue par les autorités, appuyée par l’ONU et soutenue par la communauté internationale – ici l’Italie.

 

Un engagement de longue date

Et ce n’est pas nouveau. L’agence américaine Associated Press expliquait déjà en 2015 que quatre fermes commerciales à Gaza avaient produit 220 tonnes de poisson en 2014, là où seulement 2 tonnes avaient été pêchées dans la mer. Des données recueillies directement auprès d’un représentant du ministère de l’Agriculture de Gaza !

Notez la progression, puisque les deux fermes évoquées dans le nouveau reportage de FranceInfo avancent désormais une production de 300 tonnes.

Un autre article très documenté d’une ONG d’aide au développement raconte comment l’une des fermes de Gaza, avec l’assistance américaine de l’USAID, était passée de 140 tonnes à 500 tonnes en 2016 déjà. La ferme s’était même mise à produire ses propres alevins pour ne plus les importer, signe d’un engagement à long terme. Même la nourriture pour les poissons, une sorte de fougère aquatique originaire d’Amérique latine, est désormais cultivée à Gaza (2019).

 

Une ferme piscicole de Gaza photographiée en 2010 déjà (YouTube TheGazaExperience)

 

Aide israélienne

Il y a plus d’une décennie déjà, les Israéliens aidaient les habitants du territoire à développer la pisciculture.

Ainsi, en 2011, le COGAT, l’autorité israélienne en charge des relations avec la population palestinienne, avait organisé la formation de fermiers de Gaza aux techniques de la pisciculture par des experts israéliens.

Le but de ce transfert de savoir-faire (et de matériel, Israël ayant aussi permis le transfert d’outils de production) était de « créer une économie indépendante dans la bande de Gaza capable de subvenir aux besoins de la population » selon le site internet de l’armée israélienne qui avait diffusé l’information.

A l’époque, 150 tonnes de poisson étaient produites dans les bassins. Le soutien de la FAO et d’une autre organisation étrangère, suédoise cette fois, ainsi que celui du ministère de l’agriculture du gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza soulignent encore les origines anciennes et planifiées de cette implantation industrielle.

 

Quand Samir (AFP 2014) contredit Maher (FranceInfo 2022)

La pisciculture n’est donc pas une affaire récente à Gaza. Non seulement ce n’est pas un pis-aller en réaction à une oppression israélienne, mais c’est au contraire une volonté assumée par les autorités de Gaza en acceptant des soutiens étrangers y compris, au besoin, celui d’Israël.

Toutefois FranceInfo continue sa présentation misérabiliste des pêcheurs de Gaza. Dans ce registre, la chaîne explique que la pêche est devenue très mauvaise :

 

Maher vend du café chaud et des cacahuètes, et il trouve que la pèche est beaucoup moins bonne. Â«Â C’est clair, soupire-t-il. Il y a cinq-sept ans, les poissons faisaient la taille de mon bras, de très beaux poissons ! Mais maintenant tu n’as que des poissons bien petits… »

 

Une pêche miraculeuse il y a encore cinq-sept ans ?

Pas à en croire l’AFP, qui écrivait en 2014 sur la « médiocre capture » d’un autre pêcheur gazaoui :

 

L’eau des égouts véhicule les maladies et fait fuir les poissons, poursuit Samir, en désignant un panier dans lequel se débattent 14 poissons maigrelets.

(…)

Aujourd’hui, sa journée de travail se résume à deux heures passées à patauger pour tenter d’attraper dans son modeste filet de quoi nourrir sa famille. Les prises sont de plus en plus minces, témoigne-t-il, parce que les poissons vont chercher le large. « Quand leur environnement devient dangereux, les poissons font comme les hommes, ils s’enfuient. Â»

 

Maher et Samir sont-ils des sources dignes de foi ? Du point de vue des standards journalistiques, on aurait préféré des sources scientifiques étayées plutôt que ce genre de propos lancés à la cantonade.

Pour apitoyer le lecteur ils sont en tout cas efficaces… si l’on ne lit pas leurs témoignages bout à bout !

 

Et ailleurs ?

A Gaza, nous dit Frédéric Métézeau, le développement de la pisciculture « conforte une situation ubuesque et pas forcément très écologique ».

Si les répercutions écologiques sont une question sérieuse, ce type d’élevage n’est pas réservé aux Palestiniens qui le pratiqueraient par dépit. C’est une activité en pleine croissance partout dans le monde. La FAO estime que la production globale issue de l’aquaculture a plus que quintuplé en moins de 30 ans.

 

 

En France par exemple, 43.000 tonnes de poissons sont élevés chaque année. Pas quelques centaines de tonnes, des dizaines de milliers. Et beaucoup plus encore si l’on inclut les coquillages. Ces filières procuraient en 2020 39.000 emplois directs et la France était le second pays producteur d’Europe, derrière l’Espagne.

Mais en France, rien d’ubuesque à tout cela. La France n’ayant pas d’Etat juif comme voisin, nul besoin d’inventer des problèmes là où il n’y en a pas.

 

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Auteur : InfoEquitable

Image : Capture d’écran YouTube

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