La rédaction de La Croix a supprimé un tweet affirmant que Jésus était palestinien. Mais l’article, et ses inexactitudes historiques, demeure intact.
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Mise à jour : l’erreur historique corrigée dans l’article en ligne
La principale faute historique que nous signalons ci-dessous, la désignation de la Palestine comme nom de la province romaine au moment de la naissance de Jésus, a été corrigée dans la version électronique de l’article qui explique désormais que c’est le « nom donné à la Province romaine par Hadrien 135 ans après sa naissance ».
La Province romaine fut en effet renommée Syria Palaestina (pour être complet…) en ce temps là, ce qui démontre bien que quand « pour les Palestiniens, chrétiens et musulmans, il est Palestinien » comme le dit aussi l’article, il s’agit d’une révision de l’histoire.
Merci à la rédaction de La Croix d’avoir procédé à cette rectification. Il serait bon qu’elle apparaisse également dans les colonnes d’un prochain numéro afin d’en informer également les lecteurs de l’édition papier du 16 décembre dans lequel cet article fut initialement publié.
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Messe de minuit, cadeaux au pied du sapin… Chaque année, Noël est l’occasion de renouveler des rituels ancestraux. Il est un rituel moins heureux mais qui revient lui aussi immanquablement à la fin décembre, c’est celui de diffuser dans la presse des articles sur Noël à Bethléem, ville natale de Jésus, sous un angle identifiant les Palestiniens à Jésus et attaquant Israël qui les persécuterait.
Cette année, c’est dans le journal catholique La Croix que ce rituel a été mené avec le plus de zèle, à travers un article sobrement intitulé « Noël à Bethléem ».
L’article était précédé d’un chapeau, repris également sur les posts Twitter et Facebook assurant sa diffusion :
Jésus, expliquait donc La Croix, était « Palestinien et prophète en islam ».
Cette récupération a suscité un tollé sur les réseaux sociaux. Nombre d’internautes ont fait remarquer que sur les représentations de la croix est traditionnellement inscrite la mention « INRI », abréviation de « Iesvs Nazarenvs, Rex Ivdæorvm » : « Jésus le Nazaréen, roi des Judéens ». Les Judéens étant les habitants de la Judée, territoire du royaume de la tribu de Juda, c’est à dire les Juifs (dont le nom Yehudim en hébreu désigne les habitants de Yehudah, la Judée). Bref, Jésus était juif.
Devant les protestations, le directeur de la rédaction de La Croix Jérôme Chapuis a concédé que les internautes étaient « choqués à juste titre » et annoncé que le « tweet qui ne correspond en rien au contenu de l’article a été supprimé ».
Le chapeau de l’article dans sa version électronique a lui aussi été retouché. La phrase controversée a été supprimée.
C’est une réaction salutaire… mais qui ne nous paraît pas tout à fait suffisante.
Car le tweet n’est pas seul en cause, et l’article n’est pas si déconnecté de ce dernier que veut bien le dire M. Chapuis.
En effet, l’auteur se démène tout au long du texte pour identifier Jésus à la Palestine. Ainsi, dès le premier paragraphe, on apprend que Bethléem est « la ville la plus connue de Palestine ».
Les festivités de Bethléem sont décrites comme un événement plébiscité par les musulmans qui sont « les plus nombreux » à y assister : évidemment, puisque les chrétiens autrefois majoritaires dans la ville, dont ils constituaient 80% des habitants jusque dans les années 50, se sont pour la plupart exilés. Ils ne représentent plus qu’une dizaine de pourcents des Bethléémites, l’intolérance de certains de leurs voisins musulmans n’étant pas étrangère à ce destin.
Encore tout récemment, au mois d’octobre, on a rapporté l’attaque d’une église aux environs de Bethléem par des émeutiers musulmans.
Jésus Palestinien, dans l’article comme dans le tweet
C’est à la lecture du passage suivant que nous estimons que le tweet rétracté reflète bien davantage l’article que ce que laisse entendre le directeur de la rédaction. La description de Jésus comme Palestinien correspond bel et bien au contenu de l’article :
« Et puis Jésus, dans l’islam, est un prophète et pour les Palestiniens, chrétiens et musulmans, il est Palestinien. Sa judaïté n’est pas niée, elle est juste consciencieusement occultée. »
Ah bon. Faire de Jésus un Palestinien – donc un Arabe comme les Palestiniens actuels – ne nierait pas sa judéïté (et il n’y aurait aucun mal à « l’occulter »).
Sauf que. Sauf que pendant des siècles, la théologie de la substitution a essayé de substituer le christianisme au judaïsme, considéré comme caduque. Et que remplacer l’identité juive de Jésus par une identité palestinienne arabe relève exactement du même procédé.
Et par conséquent, le tweet était peut-être plus maladroit que l’article car il se passait de précautions oratoire, mais il était bel et bien lié à son contenu.
La palestinisation de Jésus passe par une réécriture l’histoire dans les colonnes de La Croix
Le dernier paragraphe en offre la confirmation en commettant une immense tromperie historique :
« Jésus, comme eux [chrétiens et musulmans] enfant de Palestine –c’était, après tout, le nom de la province romaine au moment de sa naissance ».
C’est en l’an 135, après l’écrasement de la révolte juive de Bar Kochba et l’envoi en exil de la plupart des Juifs qui habitaient encore la Judée, que l’empereur romain Hadrien décida d’effacer le nom de la Judée qui signifiait l’appartenance de la région au peuple juif. Désormais, la Judée serait connue comme province romaine de « Syria Palaestina ».
Un siècle sépare l’an 33, celui de la crucifixion de Jésus, et l’an 135 lors duquel la province prit un nom qui bien plus tard ressurgit sous le mandat britannique pour finir par être récupéré par la population arabe connue aujourd’hui comme les « Palestiniens ».
Un article écrit par une érudite
L’auteur de l’article, Marie-Armelle Beaulieu, n’est pas une stagiaire qui pourrait prétendre être ignorante de cette histoire.
Elle est depuis 15 ans la rédactrice en chef de Terre Sainte Magazine, le journal des Franciscains de la Custodie de Terre Sainte qui se décrit comme « la seule publication chrétienne en langue française pensée et écrite à Jérusalem », et vit à Jérusalem.
Elle connaît forcément sur le bout des doigts l’histoire de cette contrée et tout particulièrement celle de Jésus.
Or elle ne semble pas porter les Juifs dans son coeur. En témoigne cet extrait d’une interview sur la chaîne israélienne i24NEWS dans laquelle elle avait essayé de s’aventurer à rendre les Juifs responsables de l’oppression des chrétiens de Terre sainte en prétendant que le Talmud les poussait à mépriser ces derniers.
En d’autres terme, les Juifs seraient responsables in fine de l’animosité que leurs voueraient en retour certains chrétiens; autrement dit, ce sont les Juifs eux-même qui provoqueraient l’antisémitisme, mérité en quelque sorte.
Le retrait du tweet apparaît à cet égard comme un geste destiné à étouffer la polémique. Mais ledit tweet a eu le temps d’être vu 170,000 fois, et l’article est donc non seulement tendancieux mais faux au moins sur un point, celui de cette naissance de Jésus dans une province de Palestine.
Ce point n’est pas anodin, puisqu’il s’agit d’une falsification qui permet de faire passer Jésus pour un Palestinien.
Nous pensons que cet article publié dans l’édition papier du 16 décembre de La Croix mérite davantage que le retrait d’un tweet, dont les lecteurs du journal n’auront pour beaucoup pas été informés.
Un véritable rectificatif, au moins sur ce point historique, aurait sa place dans les colonnes de La Croix pour réparer pleinement les égarements de ce texte, d’autant plus graves qu’ils ont été publiés dans un journal catholique pouvant se prévaloir d’une spécialisation sur le fait religieux et historique.
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