Le vocabulaire employé par l’Agence France-Presse diffère selon que les opérations antiterroristes se déroulent à Gaza, en Iran ou au Mali.
L’Agence France-Presse (AFP) considère-t-elle qu’il y a deux catégories de lutte antiterroriste, l’une bonne et l’autre mauvaise ?
Le combat légitime serait celui que l’armée française mène au Sahel, la guerre illégitime serait celle menée par Israël contre le Hamas, le Djihad islamique et autres organisations.
Simple querelle sémantique ? Les nuances de vocabulaire ont leur importance et traduisent souvent une différence d’appréciation selon les situations.
Voici comment l’AFP a rendu compte ce 14 novembre de la mort du Numéro 2 d’Al Qaeda, Abdullah Ahmed Abdullah, qui aurait été abattu l’été dernier par des agents du Mossad dans une rue de Téhéran (dépêche diffusée ici par Le Point).
Pour l’AFP, c’est bien un « assassinat » qui a été perpétré par les Israéliens. Le terme revient à plusieurs reprises dans le texte de la dépêche :
L’assassinat, qui aurait été commis par des agents israéliens pour le compte des Etats-Unis, est survenu le 7 août, jour de l’anniversaire des attentats contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie en 1998, dans lesquels a été impliqué Abdullah Ahmed Abdullah selon la justice américaine.
Pour ceux qui en douteraient, il s’agit là d’un terme péjoratif.
Selon le dictionnaire, « l’assassinat » est un terme du droit pénal qui désigne un crime d’« homicide volontaire commis avec préméditation ou guet-apens » et se rapporte dans le langage courant à une « action de faire périr injustement » ou à un « crime inique ».
D’autres dépêches récentes confirment cette vision des événements qu’entretient l’AFP lorsqu’il s’agit d’Israël.
Ce 15 novembre 2020, l’agence de presse française a rapporté un incident dans la bande de Gaza, entre Tsahal et les Palestiniens, consécutif à un tir de roquettes.
Dans un premier temps, la dépêche (diffusée ici sur le site de L’Orient-le-Jour) rappelle de manière neutre que ces tirs de roquettes interviennent à la date anniversaire de la mort d’un commandant du Jihad islamique tué par les israéliens.
Ces tirs surviennent aussi près d’un an jour pour jour après une opération ciblée israélienne contre Baha Abou al-Ata, un commandant du Jihad islamique, deuxième groupe armé de la bande de Gaza après le Hamas.
Mais dans le paragraphe suivant, l’opération israélienne contre le terroriste est à nouveau qualifiée d’« assassinat ».
Jeudi, le Jihad islamique avait tenu une parade militaire dans le centre de la ville de Gaza, chef-lieu de ce territoire palestinien éponyme, à la mémoire du commandant Abou al-Ata dont l’assassinat avait été suivi par un barrage de centaines de roquettes vers Israël.
L’armée française, elle, n’assassine pas mais « neutralise »
A ce stade de la démonstration, un comparatif s’impose.
Manifestement, pour l’AFP, en matière de lutte contre le terrorisme, seuls les Israéliens pratiqueraient la technique réprouvée de « l’assassinat ».
On en veut pour preuve cette dépêche du 13 novembre (diffusée par Le Figaro) annonçant la mort de Ba Ag Moussa, un chef djihadiste, tué par l’armée française au Mali.
Cette fois, il n’y est nullement question d’« assassinat ».
A en croire l’AFP, lorsque l’armée française est à la manœuvre, les choses se passeraient en douceur :
La France a annoncé vendredi 13 novembre la «neutralisation» au Mali, par la force Barkhane, d’un cadre opérationnel djihadiste de tout premier plan lié à Al-Qaïda, dont le nom était associé ces dernières années à de nombreuses attaques dans la région.
L’AFP prend soin de préciser que « les militaires ont tenté d’intercepter le pick-up du djihadiste, et n’ont fait que riposter lorsque les occupants du véhicule ont ouvert le feu ».
L’emploi de ce vocable très neutre est visiblement la règle dès lors qu’il s’agit de l’armée française.
Diffusée le 30 juin 2020 (ici, sur le site de Ouest-France), cette autre dépêche est consacrée au sommet du G5 Sahel en Mauritanie.
L’agence de presse française indique à nouveau :
Au cours des six mois écoulés, la France a augmenté les effectifs de Barkhane de 500 militaires pour les porter à 5 100. Elle et ses partenaires ont multiplié les offensives dans la zone des trois frontières, revendiquant la « neutralisation » de centaines de jihadistes.
Cette expression, il faut le préciser, est en réalité un élément de langage de l’armée que l’AFP se contente de reprendre, ainsi qu’elle le précisait dans une dépêche du 5 septembre 2020, toujours consacrée à la situation au Mali :
A quelques rares exceptions près, l’armée française ne précise jamais si elle a tué ou arrêté des combattants djihadistes, préférant le terme générique de « neutralisation« .
Conclusion : Assassinat ou neutralisation ? On le voit, le vocabulaire employé par l’Agence France-Presse dans des situations pourtant similaires varie selon les latitudes et les armées engagées. Que vous soyez puissant ou misérable aux yeux de l’AFP, les jugements médiatiques de l’agence vous rendront blanc ou noir…
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Photo : capture d’écran YouTube C dans l’air