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Décès de Saëb Erekat: le portrait incomplet des médias

Décédé dans un hôpital israélien où il était soigné après avoir contracté le coronavirus, Saëb Erekat était un interlocuteur de longue date de la presse. Les articles que celle-ci lui a consacrés laissent de nombreuses facettes peu reluisantes du personnage dans l’ombre.

 

L’Agence France-Presse (AFP) a diffusé plusieurs dépêches après le décès du Secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Dans l’une des principales, l’accent est mis sur ses talents de « négociateur de paix » :

 

 

La présentation que l’AFP fait dans cet article de la mort du neveu de Saëb Erekat plus tôt cette année est emblématique de la manière dont les facettes dérangeantes du personnage ont été gommées :

 

Dernièrement, il s’était fait l’un des détracteurs les plus volubiles de la politique d’Israël de ne pas restituer les corps des Palestiniens tués par l’armée israélienne. Son propre neveu avait été tué en juin à un point de passage militaire en Cisjordanie occupée et sa dépouille est toujours conservée en Israël. 

 

Ce que l’AFP ne précise par, c’est que les corps retenus par Israël ne sont pas ceux de n’importe quels Palestiniens qu’Israël tuerait « au hasard », mais ceux d’individus tués en commettant des attaques â€“ décrits comme des Â« militants Â» en langage AFP dans une dépêche du 2 septembre dernier.

Le neveu de M. Erekat, précisément, a été tué lorsqu’il a commis une attaque à la voiture bélier.

A l’époque, au lieu de condamner cette action, Saëb Erekat a couvert son neveu Ahmad en affirmant qu’il « se rendait à Bethléem pour aller chercher sa soeur, dont c’était le jour de mariage, à un rendez-vous chez le coiffeur lorsqu’il a été tué à un point de contrôle de la police des frontières israéliennes ».

Mais l’attaque fut filmée par une caméra de surveillance. On voit la voiture à très basse vitesse pointer subitement ses roues vers les policiers tout en accélérant.

 

 

Il faut être très naïf ou très partisan pour imaginer autre chose qu’un acte délibéré…

L’AFP est bien sûr au courant, puisque son article du mois de juin tentait une apparente position équilibrée en rapportant l’alibi de Saëb Erekat, mais aussi les informations de la police israélienne :

 

 

« La police israélienne a affirmé mardi avoir abattu un Palestinien qui a mené selon elle une attaque contre ses forces près de Jérusalem, une version démentie par son oncle, le haut responsable palestinien Saëb Erakat », écrivait alors l’AFP.

Voilà donc que ce contexte indispensable à la compréhension des faits est aujourd’hui gommé à l’occasion du décès de l’oncle du terroriste.

Les lecteurs n’ont pas moyen de savoir pourquoi le neveu Erekat a été tué, ni pourquoi son corps et ceux d’autres Palestiniens considérés comme des auteurs d’attaques n’ont pas été rendus par Israël.

InfoEquitable a demandé à l’AFP de modifier la dépêche pour y rappeler ce contexte. Cette requête est restée pour l’instant sans réponse.

 

Les faces cachées de Saëb Erekat

L’omission de l’AFP n’est qu’une illustration de la manière dont le portrait du dirigeant palestinien a été embelli.

Le soutien du haut responsable de l’OLP à un terroriste, fut-il de sa famille, n’a en effet rien de surprenant si l’on se penche sur son parcours.

Voici quelques unes des zones d’ombre occultées dans les éloges de la presse.

 

Un soutien constant à la politique de récompense des terroristes palestiniens

Le haut dirigeant de l’OLP ne démordit jamais de son soutien à l’une des politiques les plus choquantes de l’Autorité palestinienne : le versement de salaires à vie aux terroristes ayant tué des Israéliens et à leurs familles.

 

Le Hamas et le FPLP, pas terroristes…

Dans une interview de 2014, Saëb Erekat déclara que la Hamas avait « le droit de ne pas reconnaître Israël » et qu’il ne s’agissait « pas d’un groupe terroriste ». En 2017, il soutint la même position à propos du Hamas mais aussi du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), à un moment où justement le FPLP venait de revendiquer l’assassinat à coups de couteau d’une jeune policière israélienne.

Rappelons que l’Union européenne et de nombreux pays considèrent ces organisations qui attaquent régulièrement les civils israéliens comme des groupes terroristes.

Cohérent avec lui-même, Saëb Erekat prit aussi la défense des terroristes lors de « l’intifada des couteaux » de 2015, où de nombreux Israéliens furent blessés et tués par des Palestiniens : « nous nous protégeons avec les corps de nos fils et de nos filles, parce qu’Israël ne se protège pas lui-même, mais plutôt ses crimes, son occupation et sa colonisation. »

 

Le mythe du massacre de Jénine

Saëb Erekat fut, en 2002, l’un des instigateurs du mythe selon lequel Israël aurait massacré 500 Palestiniens à Jénine – au moment où les forces israéliennes durent pénétrer dans cette ville pour y chercher les auteurs des vagues d’attentats-suicides sanglants commis en Israël.

Les Palestiniens démentirent par la suite eux-même ce chiffre. Il y eut de leur propre aveu une cinquantaine de morts, dont une grande partie étaient des « combatants » : au moins 27 « militants » sur 52 morts selon Human Rights Watch, qui n’est en général pas spécialement tendre envers Israël; 48 « militants » sur 53 morts, et donc 5 victimes collatérales civiles, selon l’armée israélienne. 23 soldats Israéliens furent aussi tués, ce qui montre bien qu’ils ne faisaient pas face à des civils désarmés.

Toutefois le mal était fait : les médias occidentaux avaient pris pour argent comptant et largement diffusé sans les vérifier ces accusations diabolisant Israël.

 

Soutien au « droit au retour »

Le « droit au retour » pour les descendants des Arabes ayant quitté Israël après la guerre lancée et perdue contre l’Etat juif lors de son indépendance il y a 70 ans équivaut à souhaiter la mort d’Israël par submersion démographique, pour lui faire perdre le caractère juif qui le définit.

Soutenir cette revendication, comme l’a constamment fait Saëb Erekat, est du point de vue de la plupart des Israéliens incompatible avec le souhait d’une résolution amicale du conflit.

 

Réécriture de l’histoire

L’un des grands problèmes des Palestiniens est d’asseoir leur légitimité historique dans une région qui regorge de vestiges juifs vieux de plusieurs millénaires, alors que rien n’atteste l’existence historique d’Arabes se décrivant comme des Palestiniens avant l’époque contemporaine.

Certains propagandistes peu scrupuleux ont trouvé la parade : réécrire l’histoire. Saëb Erekat faisait ainsi partie de ceux qui ont donc prétendu que les Palestiniens étaient les descendants des Cananéens – ce qui en aurait fait la population autochtone de la région…

Une mythomanie assez cocasse lorsque l’on sait que « la famille de Saeb Erekat est en réalité bédouine, originaire de la région du Hedjaz en Arabie Saoudite, et elle s’est installée dans le village d’Abu Dis qu’au début du XXe siècle »…

Dans la même veine, Saëb Erekat s’appropria Jésus dont il fit également un Palestinien.

 

Dénonciation des accords de normalisation entre Israël et des pays arabes

A l’orée de sa vie, des accords sans précédent ont été signés entre Israël et plusieurs Etats arabes : les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan.

« La normalisation avec l’occupation israélienne constitue un coup de couteau dans le dos, permettant [le déversement du] sang palestinien », jugea Saëb Erekat.

Les médias ont bien relevé son opposition à ces accords sous prétexte que la cause palestinienne en pâtirait. Mais ils se gardent de communiquer sur certaines réflexions qui fleurent la xénophobie : « Et il y a ceux qui parlent en hébreu dans les universités pour parler avec Israël, ce qui me préoccupe, car c’est une naissance publique pour les Sionistes arabes ». Rendez-vous compte, des Arabes de ces pays vont se mettre à l’hébreu et entretenir des relations bienveillantes avec les Juifs…

N’aurait-on pas pu attendre davantage d’enthousiasme de la part d’une personne engagée pour la paix lorsque justement des pays autrefois opposés font de tels progrès ?

 

Quand la personne interviewée ne donne pas satisfaction

Les médias ont donc été très sélectifs dans leur présentation du profil du défunt. Ils en a été de même dans leur choix de commentateurs.

C’est ainsi qu’au Royaume-Uni, la BBC avait sollicité la réaction d’une députée du Likoud, Sharren Haskel.

D’après la députée, lors d’un briefing téléphonique préalable à l’interview, elle « expliqua que bien qu’en anglais, Erekat était présenté comme un artisan de la paix, en arabe, il promouvait, finançait et poussait à une lutte armée contre l’État d’Israël. »

Résultat : « Après quelques minutes, ils m’ont rappelé et m’ont informé que l’interview était annulée. »

Les points de vue tels que celui de Sharren Haskel n’ont pas davantage été diffusés en France. L’AFP a maintenu une pluralité de façade dans sa dépêche recueillant les réactions de politiciens. Outre l’UE, l’ONU, et même le Hamas, deux députés israéliens ont bien été cités : Tzipi Livni et Ayman Odeh (le chef de la « Liste unie » des partis arabes israéliens). Tous deux, situés sur le même bord gauche de l’échiquier politique, ont été élogieux. Mais l’AFP n’a donné la parole à aucun politicien israélien critique de Saëb Erekat.

Somme toute, Saëb Erekat aura été traité avec la même complaisance par les médias lors de son décès que lorsqu’il était vivant.

 


Auteur : InfoEquitable. Si vous souhaitez reproduire cet article, merci de demander ici une autorisation écrite préalable.

Photo : capture d’écran YouTube CBS News

 

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