Une dépêche de l’AFP informe sur le « décès d’un détenu palestinien condamné pour meurtre ». Le texte décrit la victime comme un « soldat », citant l’agence palestinienne Ma’an, mais tout indique que l’habitant de Tel Aviv assassiné en 1994 était un civil.
Tous les hommes de 74 ans qui décèdent d’un cancer ne font pas l’objet d’une dépêche de l’AFP.
Pour avoir droit à cet honneur, Sa’adi al-Gharabli avait une singularité : sa mort est survenue alors qu’il purgeait une peine de prison en Israël.
La dépêche indique que Sa’adi (ou Saïd) al-Gharabli était un « membre du mouvement islamiste Hamas, condamné à perpétuité pour meurtre en 1994 ».
Elle donne ensuite cette précision sur la raison pour laquelle le détenu a passé plus d’un quart de siècle derrière les barreaux :
Selon l’agence palestinienne Maan, il avait été condamné pour le meurtre d’un soldat israélien à Tel-Aviv en 1994.
Il est connu que la propagande palestinienne présente volontiers le terrorisme comme de la « résistance » contre l’« occupation » et qu’à ce titre, un meurtre de soldat israélien a tôt fait d’être justifié.
Cela n’a d’ailleurs pas manqué. En témoigne ce commentaire sous la dépêche reprise par Le Figaro :
Non seulement le commentaire est odieux, mais il apparaît qu’il a été provoqué par une caractérisation inexacte de la victime dans l’article.
En effet, les rédacteurs de la dépêche se sont appuyés sur l’agence palestinienne Ma’an qu’ils citent, affirmant que l’Israélien tué par Sa’adi al-Gharabli était un soldat.
Or InfoEquitable a retrouvé les détails du crime et il s’avère que la confiance placée dans cette source a sans doute été excessive.
La victime assassinée dans sa laverie automatique
Le 26 juin 1994, David Mashli était assassiné à Tel Aviv.
Cet homme âgé de 30 ans y tenait une laverie automatique.
Originaire de la bande de Gaza, Sa’adi al-Gharabli était un client : il donnait du linge à laver à David et les deux hommes, qui étaient amis, avaient l’habitude de jouer aux cartes ensemble.
Ce jour de juin 1994, Sa’adi était chez David. Soupçonné par des Palestiniens de la bande de Gaza d’être un collaborateur (avec Israël), il décida de s’en prendre à un Israélien pour « laver son nom ».
Il attendit que David s’endorme. Il sortit alors un couteau de boucher qu’il avait préparé et poignarda David, en s’acharnant sur son corps. « Les images étaient choquantes », selon les juges devant qui il comparut ensuite.
Ce sont des clients de la laverie qui retrouvèrent le corps.
Même en prison, les codétenus palestiniens de Sa’adi le soupçonnaient d’être un collaborateur. De crainte que ceux-ci le blessent, ou que lui blesse un gardien pour « laver son nom » encore une fois, il fut maintenu la plupart du temps à l’isolement.
Le journaliste de Haaretz Yehoshua (Josh) Breiner, qui a fait ce récit, fait référence à une page commémorative en la mémoire de David Mashli qui raconte qu’« après son service militaire, il a travaillé en tant qu’indépendant et en 1991, il a déménagé dans le quartier de Shapira à Tel Aviv où il a tenu une laverie chez lui ».
En d’autres termes, si David avait bien effectué son service militaire comme la plupart des citoyens israéliens, il était revenu à la vie civile depuis plusieurs années.
La liste des victimes israéliennes du terrorisme publiée par le ministère des Affaires étrangères israélien le confirme : elle mentionne systématiquement le grade militaire des victimes qui servaient dans l’armée, mais n’en indique aucun pour David Mashli.
Ce n’est donc pas un « soldat » que le terroriste a assassiné, mais un civil !
Accusations de maltraitance
La source première citée par l’AFP à l’origine de la révélation du décès est le « Club des prisonniers palestiniens ».
Ce groupe d’activistes désigne Israël comme « l’occupation » (ce qui, quand on parle d’un crime ayant eu lieu à Tel Aviv, signifie qu’il considère tout l’Etat juif comme illégitime) et accuse Israël de toutes sortes de mauvais traitements sur ceux qu’il présente comme des « prisonniers politiques ».
En réalité, comme Sa’adi al-Gharabli, la plupart des détenus ont été emprisonnés suite à des actes terroristes contre des Israéliens.
Le club soutient d’ailleurs la politique de l’Autorité palestinienne qui rémunère chaque auteur d’attentat emprisonné en Israël.
Ces éléments de contexte permettent de comprendre pourquoi, sur Facebook, le Club des prisonniers palestiniens affirme que Sa’adi al-Gharabli est un « martyr », victime d’un « meurtre lent » résultant d’une « politique de négligence médicale », et que les prisonniers palestiniens subissent « tortures » et « confinement solitaire dangereux » (un isolement qui visait pourtant, nous l’avons vu, à protéger le prisonnier).
C’est sur la base de ce communiqué que l’AFP a rédigé sa dépêche, se faisant l’écho des éléments de langage du Club des prisonniers palestiniens :
Son décès est le résultat de «négligences médicales délibérées», a affirmé cette association dans un communiqué.
Certes, ce propos est contrebalancé dans la dépêche par une citation de l’Autorité pénitentiaire israélienne, qui affirme que le terroriste « souffrait «d’une maladie en phase terminale» et avait été transféré dans un hôpital au sud de Tel-Aviv » (malgré son crime terrible, Sa’adi al-Gharabli fut soigné aux frais des contribuables israéliens, et c’est dans un hôpital du pays de sa victime qu’il est décédé – ce qui est assez magnanime quand on y réfléchit !).
Mais l’accusation n’est toutefois pas formellement réfutée, et en étant relayée elle acquiert une certaine crédibilité qui peut avoir pour effet de criminaliser dans les esprits Israël – lequel bafouerait ainsi les droits de l’homme des Palestiniens.
Inversion des rôles
En soi, cette dépêche relève un fait réel : la mort d’un prisonnier palestinien. L’AFP ne cache pas que l’homme était un terroriste, meurtrier lié au Hamas.
Mais la mort naturelle d’un prisonnier, événement banal, n’a a priori aucune raison de faire l’objet d’une dépêche. Sauf à considérer que la mort n’était pas naturelle, mais causée par Israël, comme le suggère le Club des prisonniers palestiniens ?
En incluant deux informations dont tout indique qu’elles sont infondées – cette supposée maltraitance des prisonniers qu’Israël soigne en réalité, et la qualité de « soldat » de la victime qui laisse entendre auprès d’un certain public que le terroriste était un « résistant » abusivement emprisonné – la dépêche met Israël sur le banc des accusés dans une affaire où un citoyen de ce pays a été la victime.
Le mensonge de l’agence Ma’an faisant de David Mashli un « soldat israélien » participe de cette inversion des rôles et l’AFP lui apporte une caution problématique en le citant sans avoir apparemment pris la peine de vérifier les faits.
InfoEquitable a donc écrit à l’AFP pour demander que la description du crime comme « meurtre d’un soldat israélien » soit amendée.
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