L’évolution idéologique du plus influent journal américain est un phénomène préoccupant. Parmi les voix qui s’élèvent, celle de la journaliste Bari Weiss qui a claqué la porte du quotidien l’été dernier.
Responsable des pages Opinion du New York Times, Bari Weiss a démissionné en juillet dernier considérant qu’elle ne pouvait plus y exercer son travail compte tenu du climat régnant au sein du journal.
Délation, censure, obsession de l’identité et de la race… La jeune journaliste a rendu publics les nombreuses dérives dont elle a été le témoin au sein du journal considéré comme « le plus puissant du monde ».
Sa défection a eu, à l’époque, un retentissement qui a dépassé les frontières des Etats-Unis. En France, « l’affaire Bari Weiss » a donné lieu à de nombreux commentaires.
Quatre mois après, Bari Weiss s’exprime pour la première fois dans un journal français.
Dans cette interview exclusive au Point, la jeune journaliste analyse les raisons de l’hostilité à laquelle elle a été confrontée, dès son arrivée dans la rédaction, en raison de ses opinions jugées « non-conformes ».
Pour être acceptée au New York Times, dit-elle, il faut diaboliser Donald Trump, n’accorder aucun crédit aux Républicains, soutenir le mouvement #Meetoo, faire preuve de la plus grande complaisance à l’égard des théories racialistes…
Puis la jeune femme évoque une question centrale : celle d’Israël.
Ce qui m’a rendue impopulaire a été sans aucun doute, en premier lieu, mon opinion favorable sur Israël.
Cette précision est importante, car en France, une vision quelque peu réductrice et erronée des Etats-Unis conduit souvent à considérer que la presse américaine est globalement pro-israélienne.
Or ce n’est pas le cas, particulièrement en ce qui concerne le New York Times.
Temple du politiquement correct des intellectuels de Manhattan, le NYT, comme on le désigne, est au contraire un journal qui à plusieurs reprises s’est manifesté par ses parti-pris et dérapages anti-israéliens.
Pour mémoire, cette caricature de Donald Trump affublé d’une kippa avec Benyamin Netanyahu, représenté en chien avec un collier orné d’une étoile de David.
Publiée en avril 2019 dans l’édition internationale du NYT, ce dessin aux relents antisémites évidents avait déclenché une tempête médiatique qui avait poussé la direction du journal américain à présenter des excuses.
Cette caricature n’est pas un dérapage isolé.
En mars 2019, la prestigieuse revue américaine Commentary Magazine a publié une étude approfondie sur la ligne éditoriale du New York Times concernant tous ses articles sur Israël publiés en 2018.
A en juger par la lecture de cette étude, le NYT est très éloigné de son engagement de « respecter les normes les plus élevées d’indépendance, de rigueur et d’équité », qu’il professe dans sa charte.
Au sujet d’Israël, le quotidien new-yorkais n’a eu de cesse de « s’écarter des normes journalistiques en déformant les faits ou en les minimisant lorsqu’il estimait ces faits gênants », souligne le rapport de Commentary qui cite de nombreux exemples.
Dans un discours officiel, en mars 2018, le président palestinien Mahmoud Abbas avait traité l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël David Friedman de « fils de chien ». L’article du New York Times relatant ce discours avait censuré ce passage qui n’aurait pourtant pas manqué d’éclairer les lecteurs sur la personnalité du leader palestinien.
En avril 2018, la journaliste Nellie Bowles avait nié l’existence de paiements par l’Autorité palestinienne de pensions aux familles des terroristes emprisonnés en Israël. La journaliste avait affirmé qu’il s’agissait d’une fake news entretenue par le « conspirationnisme d’extrême-droite ».
Cet article mensonger avait suscité des réactions négatives aux Etats-Unis, conduisant le NYT à désavouer sa journaliste. Le grand quotidien américain The Washington Post avait épinglé son confrère pour l’occasion en rapportant la polémique.
Dans un autre article, le chef du bureau de Jérusalem, David Halbfinger, a passé sous silence les accusations délirantes et antisémites de Mahmoud Abbas affirmant qu’Israël se livrait à un trafic de drogue pour affaiblir les enfants palestiniens, que la Shoah n’avait pas été causée par la haine des Juifs mais était plutôt le résultat du « comportement social, de l’usure et des activités financières des Juifs européens ».
L’étude de Commentary cite aussi un article de Carlotta Gall, chef du bureau du NYT à Istanbul, censurant les citations de passages antisémites du Coran effectués par le même Mahmoud Abbas lors d’une conférence.
Ce ne sont pas là que quelques erreurs ponctuelles, mais bien le fruit d’une ligne éditoriale assumée. En 2014, la rédactrice en chef du NYT, Margaret Sullivan, avait dans une tribune invité les journalistes à se rappeler que « Les Palestiniens sont plus que de simples victimes ».
Un courant intellectuel qui affecte toute la gauche américaine
Cette situation ne se limite ni au New York Times ni à quelques autres médias.
Selon Bari Weiss, qui vient de publier cette remarquable analyse sur le site juif américain Tablet, ce qu’il est convenu d’appeler la « gauche » libérale américaine connaît aujourd’hui une évolution préoccupante.
Ses mots ont d’autant plus de poids que la journaliste se réclame elle-même de la culture libérale américaine, dans laquelle elle a grandi.
« Au cours des dernières décennies et avec une rapidité croissante depuis quelques années, une jeune population déterminée s’est emparée de presque toutes les institutions qui produisent la vie culturelle et intellectuelle américaine », écrit Bari Weiss.
« Le libéralisme américain est assiégé. Il existe une nouvelle idéologie en lice pour la remplacer ».
Cette idéologie s’appuie sur un mélange de concepts : post-modernisme, post-colonialisme, politiques identitaires, néo-marxisme, égalitarisme absolu, « théorie critique de la race »… Elle promeut un discours où « l’homme blanc » est sommé d’expier éternellement le péché originel de la colonisation des peuples opprimés.
Dans cette idéologie, toutes les cultures sont égales. Une culture dans laquelle se perpétuent des pratiques barbares (Bari Weiss prend l’exemple des crimes d’honneur contre les jeunes femmes non chastes), ou une culture qui les prohibe, se valent.
Or, estime Bari Weiss, « Il va sans dire que, pour les Juifs, une idéologie qui prétend qu’il n’y a pas de différences significatives entre les cultures n’est pas simplement ridicule – nous avons une histoire, une tradition et une religion manifestement distinctes qui ont été à l’origine d’une énorme tragédie ainsi que de bienfaits innombrables – mais est aussi, comme l’histoire l’a montré, mortelle ».
« En existant simplement comme nous-mêmes, les Juifs sapent la vision d’un monde sans différence. Et donc, les choses qui nous rendent différents doivent être diabolisées, afin qu’elles puissent être effacées ou détruites : le sionisme est transformé en colonialisme ; des fonctionnaires du gouvernement justifient le meurtre de Juifs innocents à Jersey City ; des entreprises juives peuvent être pillées parce que les Juifs « sont le visage du capital ». Les Juifs sont réduits à l’état de « personnes blanches », notre histoire vivante est effacée, de sorte que quelqu’un peut suggérer sans sourciller que l’Holocauste n’était qu’un crime de « blancs sur blancs ». »
Dans ce tableau, revendiquer une opinion favorable sur Israël devient très difficile.
« Peu importe que vous soyez progressiste, végétalien ou gay, que vous souhaitiez un système de santé et une éducation pré-scolaire universels et que vous vouliez mettre fin à la guerre contre la drogue. Croire en la justesse de l’existence de l’État juif – croire au particularisme juif – c’est se faire l’ennemi de ce mouvement. »
Mais à travers Israël, comme toujours, ce sont les Juifs qui sont en ligne de mire. Sur les campus américains, ils sont confrontés à une forme de haine que Bari Weiss décrit en rapportant les propos d’un étudiant juif « progressiste » : « Nous sommes à la fois privilégiés et marginalisés, protégés par ceux qui détiennent le pouvoir et pourtant visés par les mêmes fous racistes que ceux qui s’en prennent aux personnes de couleur. La haine que nous ressentons sur le campus n’a rien à voir avec le conflit israélo-palestinien. C’est parce que les Juifs défient l’idéologie antiraciste simplement en existant. Ce n’est donc pas tant que le sionisme soit du racisme. C’est que la judaïcité l’est. »
Dans ce bouleversement des idéologies et des repères qui agite la société américaine, les Juifs risquent de se retrouver rapidement en porte à faux.
Le développement de ce courant outre-Atlantique est d’autant plus préoccupant que ses effets se font ressentir en Europe et en particulier en France où les théories racialistes acquièrent chaque jour un peu plus droit de cité.
Une évolution qui n’augure rien de bon sur le vieux continent, ni pour les Juifs, ni pour les défenseurs d’Israël.
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SAHSAN / 27 novembre 2020
Je pense que Hussein Obama y est pour quelque chose. Hélas
ROSA
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