La radio publique a affirmé que les Israéliens refusaient de vacciner les prisonniers palestiniens contre le Covid-19. L’ambassade d’Israël en France a officiellement démenti et proteste contre cette désinformation.
Décidément, par ces temps de Covid-19, la diffusion d’informations tronquées pour mieux accabler Israël présente l’aspect d’un syndrome récidivant sur l’antenne de France Inter.
En avril dernier, la radio publique avait déjà accusé Israël d’avoir détruit des installations sanitaires palestiniennes destinées à soigner les malades du coronavirus, et avait ignoré les démentis formels des Israéliens.
Ce manque de rigueur et d’objectivité avait d’ailleurs valu à Radio France une « mise en garde » du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Manifestement, ce « carton jaune » du CSA n’a pas dissuadé France Inter de retomber dans les mêmes ornières.
Le lundi 28 décembre, le journaliste Anthony Bellanger affirme dans sa chronique « Les histoires du monde » que les « prisonniers palestiniens » seraient privés de vaccin contre le Covid-19.
Selon le journaliste, le ministre israélien de la Sécurité intérieure Amir Ohana aurait « donné l’instruction » de ne pas vacciner les 5500 « prisonniers de sécurité » – c’est ainsi que l’on désigne les Palestiniens détenus en Israël pour terrorisme; mais ça, le chroniqueur de France Inter ne le précise pas.
Anthony Bellanger n’hésite pas à prendre parti à l’antenne et à qualifier cette mesure « d’odieuse » compte tenu du fait que les autres détenus – principalement israéliens – ont été inclus par le ministère de la Santé dans la catégorie des personnes prioritaires pour recevoir le vaccin.
Le chroniqueur poursuit dans une veine un rien complotiste en expliquant que ce « coup tordu » est en réalité « lié à la campagne électorale » : le Premier ministre Benyamin Netanyahu tenterait ainsi de détourner l’attention sur les « procès en corruption qui l’attendent »…
La source d’Anthony Bellanger est en fait un article du quotidien israélien Haaretz, que le journaliste cite et qu’il a manifestement lu à la va-vite sans trop le comprendre.
Il faut reconnaître que cet article est quelque peu confus. Raison de plus pour le lire attentivement et vérifier les informations qu’il contient.
Mais Haaretz est lui-même le « journal de référence » d’une certaine gauche israélienne. Autant dire qu’au service international de France Inter, on le lit avec déférence et on accueille toutes ses infos comme paroles d’Evangile.
A InfoEquitable, nous avons réexaminé cette affaire, en nous plongeant dans l’article du Haaretz ainsi que dans sa version originale en hébreu.
Premier constat : Anthony Bellanger n’a pas donné toutes les informations. Après avoir rapporté les déclarations du ministre israélien, Haaretz précise que son chef de cabinet a démenti l’information !
Haaretz souligne ensuite que le ministre de la Sécurité intérieure n’a aucune compétence juridique pour déterminer quels détenus doivent ou non bénéficier d’un vaccin, mais que cette prérogative relève du ministère israélien de la Santé.
Ces deux points ont été totalement passés sous silence dans la chronique de France Inter.
De nombreux internautes ont réagi au tweet de France Inter faisant la promotion de la chronique d’Anthony Bellanger.
Parmi eux, deux Franco-Israéliens : le communicant Julien Bahloul et l’avocat Gilles-William Goldnadel.
A l’attention des journalistes de France Inter, Julien Bahloul signale cet article du journal israélien Ma’ariv indiquant que tous les « prisonniers de sécurité » palestiniens seront prochainement vaccinés contre le Covid-19.
Il est vrai que l’on ne lit pas la presse en hébreu à France Inter. Lorsqu’il s’agit de calomnier Israël, un mauvais article de l’édition anglaise du Haaretz est bien suffisant !
Cette calomnie a été jugée suffisant grave pour que l’ambassade d’Israël en France réagisse à son tour par ce tweet daté du 29 décembre.
L’ambassade d’Israël a également adressé un courrier officiel de protestation à la direction de France Inter, avec copie à la présidence de Radio France ainsi qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel qui est donc officiellement saisi.
Dans ce courrier, le chargé d’affaire de l’ambassade Daniel Saada indique que la discrimination des détenus palestiniens dans le cadre de la campagne de vaccination contre le Covid-19 est une « contre vérité ».
« Les instructions données par le ministère de la Sécurité intérieure par une note interne signée par le ministre Amir Ohana en date du 24 décembre 2020, concernent la priorité qui doit être donnée au personnel pénitentiaire », précise le diplomate israélien.
Selon Daniel Saada, le courrier du ministre indique clairement que « l’accès au vaccin pour l’ensemble des détenus dans les prisons israéliennes se fera par la suite conformément à l’évolution de la campagne de vaccination pour le grand public ».
« En effet, la vaccination qui a débuté en Israël depuis 10 jours est à ce stade uniquement réservée aux personnes âgées, aux membres du personnel soignant et médical ainsi que, dans un deuxième temps, aux personnes souffrant de maladies chroniques », poursuit le chargé d’affaires.
Le diplomate informe la direction de France Inter qu’il tient à leur disposition un exemplaire de cette directive ministérielle « si vous vouliez en vérifier l’authenticité ».
Qualifiant d’ « abject » le fait de « colporter un tel mensonge », le chargé d’affaire de l’ambassade formule l’espoir qu’une « correction sera faite à cette désinformation patente » avant de conclure : « La haine d’Israël est constitutive de tous les attentats antisémites qui ont eu lieu cette année en France ».
La réponse d’Anthony Bellanger
Face à ces protestations, Anthony Bellanger a répondu sur son compte Twitter.
L’« éditorialiste international » de France Inter fait valoir qu’il a aussi évoqué en termes élogieux la campagne israélienne de vaccination (ce qui est exact, voir le texte de la chronique sur le site de France Inter).
Mais est-ce une raison suffisante pour diffuser dans le même temps de fausses informations accablant Israël ?
Pour justifier sa chronique, Anthony Bellanger cite également, dans sa chronique comme dans son tweet, l’ONG internationale Physicians for human rights (Médecins pour les droits de l’homme), « une ONG américaine, co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 1997 et très active en Israël » qui aurait dans cette affaire exprimé sa réprobation de l’attitude du gouvernement israélien.
Or Anthony Bellanger confond visiblement deux organisations, l’Américaine Phyisicians for Human Rights et l’Israélienne Phyisicians for Human Rights – Israel : deux entités indépendantes qui n’ont pas de lien d’affiliation entre elles.
Très marquée à l’extrême-gauche et pas avare de prises de positions très sévères envers Israël, Physicians for human rights – Israel n’a jamais reçu de prix Nobel. C’est elle qui s’intéresse de près à Israël. Mais nous n’avons trouvé, à ce jour, aucune trace sur son site d’un communiqué concernant cette polémique des prisonniers palestiniens.
InfoEquitable ne manquera pas de vous tenir informés de la réponse de la direction de France Inter ainsi que des suites que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourrait donner à cette affaire.
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